Ian Crause ou la plus grosse injustice de ces 20 dernières années. Son influence est tellement prégnante dans la musique pop actuelle qu'il serait temps qu'il récolte les fruits de ce qu'il a semé il y a vingt ans avec son premier groupe Disco Inferno et que ses récents efforts solo soient enfin reconnus à leur juste valeur.
De Hood à MGMT, nombreux sont les groupes qui vénèrent (littéralement) cet anglais exilé en Bolivie depuis 2006. Il y a deux ans, on y avait cru, lors de la ré-édition des 5 EP's, collection de maxis longtemps introuvables et que l'influent webzine Pitchfork avait porté au pinacle. Mais en fait non, Disco Inferno et le travail de Crause semblaient désespérément cantonnés au succès d'estime. C'est gratifiant, certes, mais ça ne fait pas manger.
Avec Disco Inferno, Ian Crause (accompagné de Paul Wilmott et Rob Whatley) a sérieusement bougé les lignes de la musique pop au début des années 90. On peut même dire qu'il a involontairement inventé le post-rock. Visiblement trop précoce pour tout un pan de la presse musicale qui ne jurait à l'époque que par la Brit-pop ou le Grunge, fasciné par les Young Gods et par Public Enemy, Disco Inferno allait proposer une pop expressionniste et une syntaxe musicale trop en avance sur son temps pour oser espérer tout succès commercial.
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Trop abstrait penseront certains. Faux. Il suffit d'écouter "Footprints In The Snow" paru sur l'indispensable D.I. Go Pop sorti en 94, ou l'excellent It's a Kid's World sur Technicolour (1996) ou le tubesque The Last Dance sur la ré-édition des 5 EP's pour se rendre compte que Disco Inferno était tout sauf un groupe pédant. Bien sûr, Ian Crause et ses acolytes aimaient bousculer la pop. Trop au goût de tous ceux qui ont injustement boudé son travail. De guerre lasse, Disco Inferno jettera l'éponge en 1995 juste avant la parution de son dernier album Technicolour.
Début 2000, Ian Crause sera de retour en solo et sortira deux magnifiques EP's en catimini sur le label espagnol Acurela dans une lignée pop à la New Order (Elemental et Head Over Heels). Depuis, plus de nouvelles.
La surprise fut forcément de taille lorsque l'on apprit que Ian Crause était sur la point de sortir son premier véritable album solo The Vertical Axis. Sorti peut-être un peu trop tôt dans l'année et uniquement disponible en version digitale via son Bandcamp, cet album s'inscrit dans la droite lignée de son travail de ces 20 dernières années : de la chanson pop parfaite ("And on and on it goes") dans la lignées des EP's parus chez Acuarela, de la pop nerveuse et perturbée ("Black Light") où l'anglais crache son fiel contre la droite britannique et enfin des balades électroniques éthérées parfaites ("Suns May Rise", "Foreign Land").
Sorti fin juillet via son Bandcamp The Song Of Phaeton EP est une interprétation musicale en trois parties du mythe de Phaeton. Oeuvre un peu plus abstraite qui se savoure pleinement au casque, c'est un entrelacs de vers déclamés et d'enchevêtrement de textures sonores (riffs de guitares, vagues électroniques, explosions soniques) qui ne dépayseront pas les fans d'Oval ou de Christian Fennesz).
The Vertical Axis et The Song Of Phaeton prouvent que Ian Crause reste ce qu'il a toujours été : un infatigable visionnaire qui bouscule toute idée de facilité et qui parvient à façonner du beau à partir du Chaos. |