Réalisé par Bruno Baretto. Brésil. Comédie dramatique. 1h44. (Sortie le 20 août 2014). Avec Glória Pires, Miranda Otto, Tracy Middendorf, Treat Williams et Marcello Airoldi.
Autant évacuer in limine le stérile débat autour du biopic qui affecte tous les films inspirés de faits réels, à savoir la fidélité à la réalité de la partition filmique.
D''autant que le nom et la relation saphique des deux protagonistes de "Reaching for the moon", la poétesse et femme de lettres américaine Elizabeth Bishop, lauréate des plus prestigieux prix étasuniens que sont le Prix Pulitzer de poésie en 1956 et le National Book Award, et l'architecte brésilienne Lota de Macedo Soares conceptrice du monumental parc Flamengo de Rio de Janeiro, sont sans aucun doute de totales inconnues pour la majorité des spectateurs.
Dans ce film qui s'inscrit dans le registre du film grand public et le genre lisse de la romance à l'américaine, Bruno Baretto, réalisateur brésilien devenu un vieux briscard hollywoodien, ne s'érige pas en narrateur omniscient qui oeuvre de manière documentaire pour dresser les biographies croisées des deux femmes tout en retraçant l'ensemble du contexte historico-politique des années 1950-1960 et le statut social de l'homosexualité.
Il a choisi de privilégier l'angle sentimental pour raconter une histoire d'amour à partir du parcours et du point de vue d'un personnage, celui de Elizabeth Bishop, qui aborde, par la voie d'une narration linéaire et chronologique, des thématiques classiques telles l'attrait des contraires, l'affrontement des egos, le sentiment de la perte, la jalousie et le délitement du temps.
Au cours d'un voyage en forme de cure géographique qui passe par le Brésil, Elizabeth, en panne créatrice et empêtrée dans sa solitude, son mal de vivre et son alcoolisme, se rend chez Mary, une amie d'université, qui vit avec Lota, issue de la bourgeoisie aisée, influente et cultivée, qui s'habille comme un homme, exerce un métier d'homme et a les goûts d'un homme.
Ce qui ne devait être qu'une simple halte se transforme en séjour au cours duquel Elizabeth vit une passion amoureuse avec cette dernière qui lui apporte la stabilité affective propice à l'écriture même si elle ne la guérit ni de son addiction éthylique ni de ses tourments liés au traumatisme de la petite enfance, dans lequel elle puise son inspiration, son douloureux état chronique constituant son "fonds de commerce" littéraire.
Sur toile de fond du Brésil chic de l'avant-dictature, dans les décors idylliques d'une somptueuse propriété moderniste à la Niemeyer au coeur de la jungle savamment domestiquée de Petropolis, les vastes appartements en bord de mer de Rio de Janeiro décorés du meilleur de l'âge d'or du design brésilien et les soirées chez l'ambassadeur, une romance "chabadabada".
Une femme et une femme, une rousse à la peau de lait, chichiteuse, introvertie et dépressive en tailleur et collier de perles et une brune, amazone flamboyante, directive et possessive, deux femmes que leur nature et leur ego d'"artiste" va rapprocher , se déroule dans le cadre d'un trio atypique, creuset de passions inconciliables. Car les histoires d'amour finissent mal en général.
Car il y a la troisième femme l'amie évincée qui ne peut se résoudre à quitter la place, et à qui Lota achète un enfant pour combler son désir de maternité et fonder une avantgardiste famille homoparentale d'avant garde.
Sans longueur ni langueur, évitant certains clichés en évitant de s'aventurer hors de sa trame policée, dépourvu de scènes "scabreuses" préférant l'évocation au réalisme, et bien "boutiqué" sans révolutionner le genre, "Reaching for the moon" remplit son cahier des charges.
L'interprétation est à l'avenant avec la blonde Tracy Middendorf, convaincante en femme trompée et stoïque qui attend son heure, l'incandescente Gloria Pirès, excellente dans le rôle de la "maîtresse-femme" et Miranda Otto à la belle densité émotionnelle. |