Alors là, David, il s’est passé quelque chose ! David Emton, honoré du prix du livre pour son premier roman, ancien grand reporter qui publie là son second roman et prépare le troisième dans la foulée. Un ancien journaliste à la plume qui lui démange. Nous sommes avec Le dernier déluge.
Seriez-vous prêt à sacrifier votre enfant pour sauver l’humanité ?
Tous les parents à qui j’ai posé la question m’ont répondu un "non" catégorique et sans ambages. L’histoire serait-elle aussi simple ? Un sujet explosif, un thème qui touche tout le monde. Mais alors, pourquoi cette impression qu’il manque quelque chose dans ce roman ?
L’histoire : Paris, dans pas longtemps, il pleut, mais il pleut, un truc pas croyable, ça imbibe les jardins, ça inonde les caves, ça lave le métro. Non mais ce n’est pas drôle du tout, parce que ce n’est pas une simple pluie, c’est le déluge, donc des vagues, des bourrasques, du tonnerre. Le déluge quoi. La cata.
C’est bientôt le réveillon, Christine fantasme depuis un bail sur son sexy et mystérieux voisin… (ah ah). Alors qu’elle s’apprête à passer le réveillon seule avec sa bouteille et ses cacahuètes et qu’elle tergiverse pour inviter son charmant voisin, Fedex sonne à sa porte et lui confie un colis. Expéditeur : professeur Levine, mentor, confident et ami de Christine from l’institut de recherche sur les virus, les bactéries et les mycoses (là où elle travaille). Tiens, tiens. Il aurait pu attendre la fin de la trêve de Noel et lui donner en mains propres. Mais non, pas de vacances pour les méchants.
Un bébé. Un orphelin de laboratoire. Houla mais ce n’est pas bien de faire des expériences sur les bébés, mais tout le peuple s’en fout dans le bouquin. Ah non, c’est vrai que c’est top secret, donc tout le monde s’en fout, puisque personne ne sait. Il n’y a d’ailleurs pas de peuple dans le bouquin, juste les héros qui se courent après. Un bébé qui dort dans un liquide amniotique de synthèse, enveloppé d’une membrane (en kevlar ?) qui clignote de partout, entre le sapin de Noël et le tableau de bord d’un A380.
Christine porte le colis chez son voisin (ah ah). A peine arrivée, un méchant asiatique appelé Cobra (ah ah) défonce la porte de l’appartement de Christine, renverse certainement le vin et les cacahuètes et repart (pas content). Damien (le voisin sexy ah ah) lui décrit plus clairement la situation : elle est en danger, le bébé aussi, et il va les aider. Enfin, un homme, un vrai. Vite, Cobra arrive ! Hop, Levine a dit que le bébé était en danger et quand Levine dit, Christine fait. Elle met vite fait le bébé dans son sac à main et file par la fenêtre, sous la pluie. Prochain arrêt : le magasin de sport pour piquer ces fameuses fringues qui gardent le chaud dedans et le froid dehors, sans oublier un sac de sport pour bébé (qui roupille au fait).
D’accord, j’exagère, beaucoup. Si David Emton était là, il m’enverrait dans ma chambre avec des verbes irréguliers à conjuguer. Mais son roman est tellement fourré de clichés qu’il en est parfois drôle. Alors que l’histoire est hautement tragique. Mais si vous avez vu Armageddon, vous allez rigoler à propos de l’invraisemblabilité des faits et des rencontres soit-disant fortuites. Des mecs qui meurent sur le coup d’un coup de harpon dans la jambe et ceux qui courent un 100 mètres avec une balle dans le cœur (ah ah).
Les chapitres sont découpés avec une rigueur mathématique réfléchie, à la manière des apparitions télévisées minutées, faisant monter la mayo du suspense au point de ne plus pouvoir lâcher le livre. Mais si, parce que les personnages n’ont aucune profondeur, aucune description n’est donnée, à part quelques banalités sur les vaguelettes formées par le zodiac ou les gouttes qui font plic plic dans les souterrains.
Les services secrets et les forces spéciales super entraînées passent pour des gigolos (à se demander ce qu’ils font là), les personnages ne sont pas du tout attachants, ils n’ont pas de réelle motivation. C’est dommage.
David Emton écrit un scénario pour une série Canal+, oui, il est fait pour ça, les scénarios, mais il ne faut pas oublier de créer les personnages entièrement, c’est trop facile de les faire orphelins et de leur envoyer des méchants aux trousses, s’ils n’ont aucune motivation, personne n’y croît. Quand c’est trop gros, ça ne passe pas toujours. Juste divertissant.
OK, je monte dans ma chambre. |