Spectacle de théâtre musical conçu et mis en scène par Marc Lainé, avec Odja Llorca, Bertrand Belin, Matthieu Cruciani et Guillaume Durieux.
Est-ce que raconter l'histoire d'un groupe de rock, la nostalgie de sa vie, la blessure de sa mort, est une vraie bonne idée ? Dans "Désordre", son premier film, le grand réalisateur Olivier Assayas n'avait pas réussi à donner de la consistance au groupe dont il contait aussi le destin.
Comme dans "Spleenorama", il était un peu piégé par les "poncifs" obligatoires et attendus sur un tel sujet : la drogue, les coucheries, les délires, les rivalités et les conflits sur le devenir du groupe.
Dans "Spleenorama", le récit commence à la mort de l'âme du quatuor, une mort étrange sur un lac gelé dont la glace a rompu. Les trois survivants se revoient pour la première fois depuis des années à l'occasion de son enterrement et se retrouvent dans la pièce encombré d'instruments où ils répétaient.
La vodka coule, les cigarettes s'allument et s'écrasent, les seringues rentrent dans les chairs, et les flash-back font revenir à la vie théâtrale Laurent le mort. Bertrand Belin, de sa belle voix forte et presque québécoise, fait revivre en brèves allusions poétiques ce moultième héros tragique du rock'n'roll.
Parsemé de ses interventions musicales, le spectacle perd parfois de sa cohérence et l'on perçoit plus quelles intentions poétiques avaient son auteur, Marc Lainé, que sa capacité réelle à les faire surgir sur scène.
"Spleenorama" est d'emblée une proposition fragile qui met en avant un groupe de rock qui n'a jamais existé vraiment, refusant même d'avoir un nom et dont le leader, empêtré dans la drogue et enfermé dans sa maison, ne voulait pas enregistrer avant d'avoir composé une centaine de titres, voire de chefs d'oeuvre...
Il faut ainsi accepter de suivre la vie de gens assez fantomatiques, pas très vifs, qui pourraient être totalement vides et insipides sans les trois comédiens (Matthieu Cruciani, Guillaume Durieux et Odja Llorca) qui entourent Bertrand Belin et qui parviennent à en faire quelque chose.
C'est grâce à eux que, peu à peu, le titre de la pièce prend son sens et que la vaine dérive de ce groupe déprimant se ressent côté spectateurs. "Spleenorama" finit par donner la chair de blues et l'amalgame entre les mots et les musiques se produit, hélas un peu tardivement, et s'achève dans une éphémère mais intense émotion. |