Dernier jour de "vitrines", les showcases réservés au professionnels, au festival de Granby. Lors de ces après-midis, des artistes viennent présenter une version courte de leur spectacle afin de décrocher des contrats pour des tournées ou des concerts dans les salles et festivals des deux côtés de l'Atlantique.
C'est Karimouche qui ouvre cette journée de samedi. La jeune femme, entourée de Kosh aux samples et human beatbox et de James à la guitare et à la basse, a connu quelques déboires avant de s'envoler vers ses premiers spectacles sur le sol Québécois. En effet, plantée par son guitariste deux jours avant de partir, tous les morceaux ont dû être réarrangés dans l'urgence. Après un premier concert public le jeudi qui ne les avait pas satisfaits, et bien que les spectateurs aient positivement réagi, Kosh a retravaillé des samples en human beatbox afin d'habiller un peu plus les chansons. Entre la voix chaude et légèrement voilée de Karimouche, les rythmes, la performance de Kosh, les paroles pleines d'autodérision, la personnalité des trois musiciens sur scène, tout accroche. C'est ensoleillé et authentique, gouailleur dans la tradition française comme le montre d'ailleurs leur reprise modernisée de Piaf. Le public accroche, c'est certain qu'ils reviendront bientôt au Québec sur d'autres scènes.
Les Chercheurs d'Or, qui tournent presque autant en France qu'au Québec, sont un groupe de bluegrass et de folk chantée en français. Entre les instruments traditionnels qui sentent bon l'authenticité, les harmonies vocales, les histoires du quotidien qui ne tombent jamais dans le cliché, Les Chercheurs d'Or donnent l'impression d'une entrée dans l'intimité du Québec des petites villes et des grands espaces. La voix d'Isabeau, légèrement nasillarde, proche du timbre de Dolores O'Riordan des Cranberries, et les instrumentations délicates démarquent le groupe des groupes traditionnels. Même si on les connaissait déjà, cette petite parenthèse intemporelle fait le plus grand bien. Le groupe a de la personnalité et surtout est composé de véritables personnalités fortes qui donne de la vie à toutes ces compositions. Très, très bon concert.
C'est Francis d'Octobre qui clôture les "vitrines" 2014 du Festival International de la Chanson de Granby. Accompagne d'un trompettiste et d'un trombone à coulisse, il interprète des pièces de son second album Le Commun Des Immortels, dont le dernier titre interprété "Jouets de guerre" montre un vrai savoir-faire dans l'écriture.
Le festival de Granby est un festival qui permet de voir de nombreux artistes qui comptent dans la chanson québécoise, mais la colonne vertébrale en est le concours de chansons pour des jeunes interprètes pas encore signés. La finale se déroule dans la belle et confortable salle du Palace de Granby.
Soucy est un collectif composé de trois chanteurs danseurs. Leur univers théâtral s' inspire de tous les personnages glam du rock de Bowie à Gary Glitter en passant par le Rocky Horror Show. On assiste au spectacle d'une sorte de Jad Wio version cabaret. Exagéré, parodique et totalement assumé, le groupe ose aller dans une direction originale, et de ce fait forcément clivante pour un concours. Par exemple, le chanteur entre en scène, déguisé en chrysalide, pour une chanson sur l'éclosion d'une nouvelle vie. Mais le public réagit de manière positive à cette prestation très professionnelle.
Michel Robichaud, le candidat suivant emprunte les chemins plus classiques d'une chanson aux accents folk rock qui s'aventure aussi parfois dans le spoken word. S'accompagnant à la guitare sèche, le candidat a une belle aisance sur scène, se lançant dans deux longs monologues entre deux morceaux. Il a trouvé ses marques grâce à sa voix rauque, un style qui plaît de ce côté de l'Atlantique.
C'est ensuite Kelly Bado qui entre en scène. La jeune femme de Winnipeg, originaire de Côte-d'Ivoire, a de réelles qualités vocales mais ses compositions, dans un style variété black, manquent de maturité. Les paroles et les mélodies s'avèrent faciles, mais l'interprétation et la présence scénique de Kelly Bado lui ouvre néanmoins une vraie marge de progression.
Émile Bilodeau est le plus jeune des candidats de la finale. Seul à la guitare sèche, blaguant entre les chansons, ses compositions abordent autant l'intime de manière croustillante que la politique. Il offre au public du Palace une très belle prestation mais surtout on sent un potentiel énorme chez ce candidat.
Enfin Antoine Lachance balance un rock FM, heureusement sensible, mais le jeune homme, demi-finaliste deux ans auparavant cherche plus l'efficacité immédiate que la subtilité.
Charles Robert viendra ensuite interpréter "J'irai sur le chemin", qui a été désignée par le jury de professionnels qui choisit les candidats pour la finale, meilleure chanson des quarts de finale.
Emile Bilodeau est l'un des grands vainqueurs de cette 46ème édition, invité sur énormément de festivals à travers tout le Québec. Antoine Lachance participera aux rencontres d'Astafford en France. Enfin c'est Michel Robichaud qui remporte le grand prix de cette 46ème édition du Festival de la Chanson de Granby.
La porte-parole du festival, Lynda Lemay, qui a elle-même remporté ce concours en 1989, vient interpréter trois titres de sa longue carrière dont "J'Veux Pas D'Visite". Elle est ensuite rejointe par Yves Duteil pour interpréter, d'abord en duo, puis avec les cinq candidats, "La langue de chez nous". Quand on connait l'énergie dépensée par les québécois pour défendre le français, c'est un véritable acte de foi. Je ne pensais pas dire un jour avoir été ému par Yves Duteil et Lynda Lemay, mais le moment était beau et l'émotion palpable.
En sortant du Palace, on jette un oeil sur la scène du chapiteau, juste à temps pour voir Isabelle Boulay lors de la soirée country.
Et comme le festival se veut une vitrine de ce qui se fait en chanson française au Québec, on termine en allant écouter l'excellent rap du collectif Dead Obies dans l'église où ont eu lieu les concerts de l'après-midi. Changement d'ambiance assuré après Yves Duteil, Lynda Lemay et Isabelle Boulay.
Ce 46ème festival de Granby aura donc été riche en découvertes, avec une mention spéciale pour Navert, Karimouche et Le Vent Du Nord, dans des styles très différents. De beaux concerts d'artistes qu'on apprécie déjà comme les Chercheurs d'Or, GiedRé, Vincent Vallières et Les Trois Accords. Et enfin la surprise d'un beau moment d'émotion à l'écoute d'Yves Duteil et de Lynda Lemay.
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