Dans le magnifique film Sils Maria, l'actrice interprétée par Juliette Binoche se fait expliquer par un jeune réalisateur, qui veut lui faire jouer un rôle de mutante, que c'est l'humanité du personnage qui l'intéresse à travers cette convention du genre de science-fiction. Et c'est bien la place de l'humanité au sein d'un futur proche qui interroge, dans le deuxième livre de Granier de Cassagnac.
Thinking Eternity nous fait ainsi suivre le destin d'un frère et d'une sœur : Adrian Eckard, rescapé d'un attentat qui lui coûtera ses yeux biologiques mais lui fera gagner des yeux cybernétiques, va devenir le chef de file d'un mouvement de pensée appelé le "thinking", qui va le dépasser. Sa sœur, Diane, travaille dans le secteur des intelligences artificielles, et va se faire embaucher par la mystérieuse société Eternity Incorporated pour développer un nouveau type de conscience artificielle... D'un côté, l'Homme vers la Machine - jusqu'où peut-on aller dans l'altération du corps humain pour considérer que ce dernier reste humain -, de l'autre la Machine vers l'Homme et toutes les inquiétudes (et les espoirs) que l'on projette dans une intelligence artificielle supérieure... #Singularité technologique #Terminator #SpikeJonze'sHer.
Raphael Granier de Cassagnac choisit une narration fragmentée, passe d'un personnage à un autre, entrecoupe le tout d'interviews et autres enregistrements retranscrits qui font parfois perdre le rythme de l'intrigue. Le livre est néanmoins assez passionnant, avec une profusion de bonnes idées et de néologismes comme le "Sociétat" Googland (un clin d’œil à Google Démocratie, le livre de Laurent Alexandre et David Angevin ?). La place des réseaux sociaux dans cette société futuriste est traitée d'une façon ambivalente, à la fois vecteur de progrès pour les adeptes du "thinking", et cordon ombilical devenu nécessaire.
J'avoue que je me suis plutôt bien laissé entraîner dans cette histoire où l'auteur nous fait effectivement partager son amour des voyages, et son imaginaire pour les mondes réels et virtuels. Le livre terminé, j'ai eu envie de découvrir son premier roman, qui se passe... six cents ans après celui-ci. |