Réalisé par Anton Corbijn. Etats-Unis/Grande Bretagne/Allemagne. Thriller. 2h02 (Sortie le 17 septembre 2014). Avec Philip Seymour Hoffman, Rachel McAdams, Grigoriy Dobrygin, Willem Dafoe, Robin Wright, Homayoun Ershadi, Nina Hoss et Daniel Brühl.
Adaptation d'un roman d'espionnage éponyme du maître du genre John le Carré, "Un homme très recherché" réalisé par le néerlandais Anton Corbijn est, et restera, marqué par le fait que sa sortie en salles est précédée du décès prématuré de l'acteur américain Philip Seymour Hoffman qui y tient son dernier rôle et par l'aspect prémonitoire de son plan final.
Philip Seymour Hoffman y tient le rôle principal, qui n'est pas celui du rôle-titre, et la partition filmique est articulée autour de son personnage, un "espion" fatigué et borderline impliquée dans la lutte anti-terroriste.
A Hambourg, dans l'atmosphère de culpabilisation post-11septembre qui a engendré une position radicale d'élimination des djihadistes présumés ou simplement potentiels au nom du de la primauté de la sécurité nationale et du principe de protection, sévit la guerre des services secrets entre ceux allemands et ceux américains.
Entre les deux, position inconfortable qui présage de son sort, une cellule officieuse du genre "le Département d’État niera avoir eu connaissance de vos agissements” dirigée par Gunther Bachmann, un vieux briscard dont le métier est toute sa vie.
De vraies taupes sous la lumière artificielle des locaux en sous sol d'un garage désaffecté oeuvrant "avec la bite et le couteau", loin des équipements sophistiqués dont sont dotés les plus petits CSI et RIS dans leurs rutilants immeubles de verre, qui ne sortent, aveuglées, étourdies et engourdies, que regagner dans une camionnette-régie datant de l'ère soviétique.
Sa mission et son objectif est de traquer et de confondre une figure internationale de l'Islam modéré chargée de l'acheminement des dons et denrées à des organismes caritatifs qui est suspectée de procéder à des ponctions au profit des terroristes dont il serait le grand financier.
Le débarquement clandestin d'un musulman russo-tchétchène, fils naturel d'un officier russe enrichi par les pillages et des activités mafieuses, et accessoirement par ses bons offices d'agent de renseignement du MI6, ui vient retirer un substantiel héritage déposé dans une banque anglaise, suffit à les faire piaffer d'impatience les services officiels dotés de fonctionnaires primaires, le chef de service allemand petit fonctionnaire qui veut briller comme celui de la CIA soumis à une obligation de résultat.
Pour Bachmann, peu importe qui est vraiment ce nouveau venu. Il négocie une trêve à la chasse à l'homme car l'homme tombe à pic dans le marigot où il tendu canne à pêche et filet. Car le bonhomme use de la stratégie de la pêche au gros - amorcer avec un anchois pour prendre un barracuda pour attraper le requin - et son filet c'est la manipulation mentale dont il use sans scrupule.
Et il doit son succès non seulement à son art de la persuasion, une persuasion ambivalente qui joue sur l'affect et sur la menace, et sa maîtrise du retournement mais également au fait qu'il sait ce qu'il veut alors que ses "victimes" sont toujours tiraillées entre par des sentiments contradictoires.
Philip Seymour Hoffman campe magistralement ce rôle, auquel il apporte une humanité émouvante et pathétique, auprès duquel les autres personnages, terriblement stéréotypés, manquent d'épaisseur voire de crédibilité même si leurs interprètes, tels notamment Willem Dafoe et Rachel McAdams ne déméritent pas.
Philip Seymour Hoffman, souriant en interview, dont le visage malgré l'empatement évoque avec sa mèche, son front haut d'enfant têtu, ses yeux malicieux et son sourire juvénile, le jeune homme étudiant qu'il a été, compose un anti-héros fatigué et sans âge.
Un Colombo mal fagoté massif et poussif, un solitaire versé dans les addictions aux médicaments, à l'alcool et à la nicotine, dont le métier est la seule raison de vivre, encore qu'il n'y croit plus vraiment mais compense avec l'humour du désenchantement et du désespoir.
Nonobstant ses plans à l'esthétique plasticienne sur la ville de Hambourg, il est photographe de formation, Anton Corbijn réalise un film de facture classique ressortant davantage au thriller psychologique teinté de noir qu'au film d'espionnage.
L'opus tient la route, bien que longue de plus de deux heures et un scénario qui comporte moultes incohérences, en raison de la partition de Philip Seymour Hoffman ainsi que de la thématique de la manipulation favorable au maintien d'un suspense soutenu jusqu'au dénouement de l'intrigue qui, s'il n'est pas totalement imprévisible, intervient néanmoins de manière brutale et saisissante. |