Comédie dramatique de Chris Kraus, mise en scène de Jean-Luc Revol, avec Andréa Ferreol Pauline Leprince, Erick Deshors et Laurent Spielvogel.
Depuis l'avènement du cinéma parlant, le débat sur la relation théâtre-cinéma n'a jamais cessé. D'abord présentés comme rivaux ou ennemis, les deux arts ont fini par se parler, collaborer, voire s'associer.
Si l'expression "théâtre filmé" a longtemps été considéré comme injurieuse pour un film, les plus radicaux des critiques ont, au contraire, toujours dit que "le cinéma, c'était du théâtre".
Récemment, la polémique a été relancée quand le théâtre a rendu au cinéma la monnaie de sa pièce : désormais des classiques de l'écran sont transposés sur scène, comme "La Règle du jeu" ou "Les Enfants du Paradis".
"Quatre minutes" est une nouvelle variante du phénomène, puisque cette fois-ci, Sylvia Roux et Nycole Pouchoulin ont adapté, non pas un classique, mais un fim récent datant de 2006. De plus, et ce n'est pas faire offense au réalisateur allemand Chris Kraus, si son film est sorti en France en 2008, avec d'ailleurs une presse honorable, il n'a pas connu la carrière qu'il méritait.
La transposition sur scène de ce qu'on pourrait appeler un "thriller psychologique" ne suscitera donc pas de réelles comparaisons, mais le spectateur qui ignore les origines de "Quatre minutes" devrait quand même ressentir qu'il est devant un scénario avec beaucoup d'éléments qu'en contient d'ordinaire la narration purement théâtrale.
"Quate minutes" est un récit qui va vite et qui parvient à tenir jusqu'au bout son rythme, en dépit de quelques invraisemblances qui ne prêtent pas à conséquence. Cette vitesse, elle est permise grâce à un décor unique de Sophie Jacob avec des panneaux amovibles et coulissants qui permettent des changements rapides de lieux, notamment entre la prison et l'appartement de Mme Kruger, la professeur de piano.
La mise en scène de Jean-Luc Revol est à l'unisson et ne laisse aucun temps mort, sauf parfois celui de la musique de Schumann, pour des face-à-face tendus entre les acteurs incarnant tous des personnages au passé chargé.
En effet, "Quatre minutes" distribue et redistribue des thèmes forts : crime, inceste, passé nazi, lesbianisme, et cela sous "l'oeil" d'un piano qui, sans rien dire du dénouement de la pièce, n'aura pas toujours pour tache "d'adoucir les moeurs".
Ce "cinéma théâtralisé" haletant se suit donc comme un bon film avec en plus, le plaisir de voir des acteurs se dépenser sans compter. Andréa Ferreol est une "Madame Kruger" qui se perd dans la radicalité musicale pour tenter d'oublier une faute inexpiable. Pauline Leprince, dont on appréciera le toucher pianistique, est une "Jenny" écorchée par la vie, presque ensorcelée par ce piano qui la malmène de la gloire au gouffre.
Peut-être eût-il fallu donner à la pièce un titre plus explicite, plus fort, pour qu'on puisse mesurer d'emblée toute son originalité. En tout cas, "Quatre minutes" restera l'exemple d'un passage réussi de l'écran à la scène. |