Après "Le Mythe Cléopâtre" consacrée aux charmes de la plus fameuse reine d'Egypte dont le sortilège a traversé les siècles, la Pinacothèque de Paris propose un nouveau voyage spatio-temporel avec l'exposition intitulée "Le Kâma-Sûtra - spiritualité et érotisme dans l'art indien".
Datant du 4ème siècle, le "Kâma-Sûtra" a acquis une réputation sulfureuse d'ouvrage pornographique dans un Occident inféodé aux interdits judéo-chrétiens condamnant les plaisirs de la chair qui sévit encore au 21ème siècle. L'exposition conçue sous le commissariat de Alka Pande, historienne d'art et conseillère artistique de la Visual Arts Gallery de l'India Habitat Centre à New Delhi, et Marc Restellini, directeur de la Pinacothèque de Paris,
vise à rétablir la réalité du contenu de cet ouvrage en le replaçant dans son contexte original qui est celui de la spiritualité, une spiritualité qui, en Inde, est indissociable du corps et d'un corps sexué.
Riche de plusieurs centaines d'objets d'art provenant de collections privées,
dont celle de celles de la maharana d’Udaipur et la collection française de Beroze et Michel Sabatier, son parcours est calqué sur le chapitrage thématique de l'ouvrage et se décline dans une scénographie flamboyante qui repose sur le contraste de couleurs vives et saturées liées à l'iconographie indienne.
L'érotisme sacré du Kâma-Sûtra
Tout a commence avec la première publication, certes relativement confidentielle, à la fin du 19ème siècle par un militaire, explorateur et diplomate anglais, Sir Richard Francis Burton, fondateur de la Société du Kama Shastra qui édita également l'ouvrage érotique arabe "Le Jardin parfumé" du Cheikh Nefzaoui.
De cet ouvrage hindou rédigé sous forme versifiée et conçu comme la "bible" du développement personnel, seul l'un de ses sept livres consacré aux positions sexuelles.
Et plus précisément ses illustrations, avec la représentation très réaliste et explicite des scènes d'accouplement réalisées par des artistes du 19ème siècle versés dans l'art de la miniature, notamment ceux de l'Ecole de Jodhpur ("Couple aristocratique sur une terrasse"), dont le caractère sacré a été méconnu ou occulté ont forgé et nourri ce fantasme d'érotisme débridé.
Car, en réalité, l'ouvrage s'inscrit dans un thésaurus hindouiste comportant les préceptes qui permettent d'échapper au cycle des réincarnations
en satisfaisant aux quatre buts de la vie dont l'un est le plaisir amoureux, corollaire d'un érotisme maîtrisé, qui permet à l'homme et à la femme, par leur union sexuelle, de récréer l'unité divine.
Ce principe est donc omniprésent dans l'art de l'Inde ancienne et notamment la statuaire qui scande l'ensemble du parcours avec de nombreuses pièces en bois, pierre ou bronze provenant notamment de temples qui représentent les amours des nombreux dieux du panthéon hindou.
Et si la virilité déique est grandement célébrée, les artistes indiens ne se censurent pas usant largement du nu dans la représentation féminine avec ses canons de beauté très codifiés.
Ainsi le visiteur pourra admirer la plastique des épouses des dieux ainsi que celle des déesses, des beautés divines (magnifique "Buste de Surasundari" en grès rose) et des courtisanes ainsi que des personnages de contes telle celle du relief en pierre intitulé "La Belle et la Bête".
L'exposition présente également des objets rituels, comme un superbe plastron cultuel
en bronze du 19ème siècle, et des pièces étonnantes comme des casse-noix dont le rapprochement des deux pinces à effigie humaine simule l'acte sexuel. |