Pièce de Daniel Colas, mise en scène de l'auteur avec Coralie Audret, Jean-Paul Zennacker, Yvan Varco, Georges Teran, Xavier Lafitte et Julien Haettich
Tout le monde connaît Marat, immortalisé dans sa baignoire par David, assassiné par Charlotte Corday. Mais que sait-on de plus?
Marat, le journaliste extrémiste qui en appelle à une dictature suprême pour instaurer l'authentique Révolution est assassiné par la descendante de Corneille, Marie-Anne-Charlotte Corday d'Armans à qui André Chénier a consacré une ode fameuse ("Non, non, je ne veux point t'honorer en silence, Toi qui crus par ta mort ressusciter la France, Et dévouas tes jours à punir des forfaits, Le glaive arma ton bras, fille grande et sublime, Pour faire honte aux Dieux, pour réparer leur crime, Quand d'un homme à ce monstre ils donnèrent les traits").
En la forme, la forme récitative avec un chœur antique adoptée par Daniel Colas paraît un peu lourde.
L'intérêt de la pièce réside essentiellement dans la confrontation entre Charlotte Corday, interprétée avec maîtrise et conviction par Coralie Audret, et le député Roche, Jean-Paul Zennacker tour à tour doucereux et sévère, admiratif et dubitatif, manipulateur et désarmé, qui veut la convaincre de sauver sa tête et qui pose la question de la réponse de l'individu face au terrorisme d'Etat.
Confrontation entre la jeunesse éprise d'idéal et de liberté et la maturité pragamatique du politique qui essaie de comprendre le réel mobile qui a déterminé le geste de la jeune femme un peu comme pour s'assurer de la pureté de son geste politique, geste individuel étrangement abscons notamment commis par une personne non engagée politiquement, a priori totalement désintéressée.
Il la presse de questions pour la déstabiliser et lui démonter l'ambiguité du mobile allégué et qu'elle se leurre elle-même sur la portée de son acte : geste humaniste à la manière des héroïnes antiques, acte d'orgueil insensé, soif de reconnaissance pour celle qui refuse de cautionner le rôle dévolu aux femmes, ventre et objet de plaisir, substitut expiatoire pour celle qui ne peut devenir nonne à la suite de la fermeture des couvents, soif de martyr ?
Mais elle-même le sait-elle vraiment ? Bien conscient de la portée négative de l'éxecution de la jeune femme, en terme d'affiche comme on dirait aujourd'hui, qui sera vite érigée en patriote martyre, il tente de la convaincre de sauver sa tête en plaidant la folie ou la manipulation.
Daniel Colas se garde bien de soutenir une thèse mais il nous fait nous interroger sur la place de l'individu face au terrorisme d'état. Il n'esquisse pas davantage de théorie sur la motivation de Charlotte Corday mais il illustre les contradictions qui peuvent assaillir l'âme humaine et qui concourrent au passage à l'acte.
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