Perdue au centre d'une véritable tempête médiatique, nourrie par l'attente de ses fans, mais aussi par le venin de ses ennemis et par ses propres bourdes, Azealia Banks a su se ménager un buzz aux dimensions titanesques.
Depuis la découverte de son single "212", la sortie de son EP 1991 et de la mixtape "Fantasea", cette chantre du hip-hop à l'électronique cheap n'a eu cesse de retarder son premier opus. Très attendu, ce Broke With Expensive Taste devait une fois pour toutes asseoir la rappeuse dans son statut de phénomène dansant.
Et de fait, l'album long de 16 pistes est une succession de titres efficaces, dont la trame n'est jamais parfaitement similaire d'une chanson à l'autre. Bref, et on le savait déjà, "212" et son gimmick obsédant ne trouveront pas leurs semblables sur l'album. A la place, les formes varient aussi souvent que possible, passant d'un titre de pur rap ("Heavy Metal and Reflective") aux rythmes éléctro chantés déjà connus ("Luxury") et sans hésiter à reprendre ses lyrics, les adoptants d'un rythme à l'autre. Caméléon, polymorphe et surtout artiste multi facette et très joueuse, Azealia maltraite ses créations autant que possible, changeant l'apparence d'une chanson en cours de route. Alternant entre le chant et le rap, elle se permet sur "BWET" de brouiller les pistes, s’improviser un hip-hop classique, jazzy sur les bords "Desperado", avant de s’inventer une balade "Spanglish" aux rythmes latinos grotesques mais efficaces.
C’est ici que réside le talent d’Azealia Banks, tout paraît grotesque chez l’artiste : ses tenues, son rap hyper rapide, son chant facile, son électro-cheap. Tout, absolument tout, flirte en permanence avec une bonne farce. Mais et c’est précisément son plus grand fait d’armes, elle réussit à amalgamer tous les ingrédients auxquels elle fait appel en une entité au sex-appeal indéniable.
D’ailleurs, peu d’artistes s’y trompent, Ariel Pink ("Nude Beach a Go-Go"), Theophilus London ("JFK") ou encore AraabMusik ("Ice Princess"), ils sont tous sur ce Broke With Expensive Taste. C’est bien ça, le bon goût (NDLR : "BWET" = "ruinée avec des goûts de luxe") n’est pas forcément où on l’attend. Un peu comme les sapeurs et leurs mariages vestimentaires improbables, Azealia Banks s’impose comme un arlequin musical, jonglant avec tout ce qui peut lui passer à porter de main. Et si sous ses dehors délurés se cachait en réalité une maestro de la musique pop ?
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