L'art brut, érigé en "art outsider", a le vent en poupe au point de s'insérer dans le musée, de figurer dans les grandes manifestations d'art contemporain, de la Biennale de Venise à la FIAC, et d'entrer dans le marché de l'art.
Alors même que la conservation des oeuvres spontanées de personnes, aux marges de la "normalité" dont l'intention n'est pas de faire de l'art et qui ressortissaient au début du 20ème siècle à "'art des fous", est dûe aux psychiatres prônant l'art-thérapie puis aux collectionneurs privés.
Parmi ces derniers, Bruno Decharme a constitué, depuis trois décennies, une collection riche de plus de trois milliers d'oeuvres et Antoine de Galbert lui a ouvert les portes de la Maison Rouge dont il est le fondateur, assurant avec lui le commissariat de l'exposition intitulée "Art brut - Collection abcd/Bruno Decharme".
Son intérêt tient à ce que les commissaires n'ont pas versé dans la simple monstration mais ont opéré une sélection éclairée pour proposer "la métaphore d'un voyage" au sein du territoire de l'art brut.
La Collection abcd : du chaos à l'extase
Les créations plastiques des aliénés, des visionnaires et des mystiques, quelles que soient la nature et la gravité de leur déficience et de leur handicap mental, physique ou social, expriment des visions, transcrivent des obsessions et exorcisent des souffrances selon un processus inconscient et instinctif dans lequel les Surréalistes voyaient une libération des mécanismes de la création.
En ce sens, pour les commissaires, elles dessinent la cartographie mentale de leur auteur et révèlent leur rapport au monde, un rapport singulier, atypique et construit de manière délirante, et peuvent s'apparier de manière thématique.
Ce qui se concrétise par un parcours en douze sections qui ne sont pas stylistiques mais résultent d'une approche téléologique qui pose de judicieux jalons pour le visiteur néophyte.
Au rang desquels la relation avec le sacré à travers les objets magiques, les chimères et les épopées ésotériques, telles celles de Janko Domsic, et la (re)construction du monde.
Ainsi par exemple, avec les architectures imaginaires de A.C.M., telles des cathédrales élaborées avec des pièces de vieilles machines à écrire, ou celles anthropomorphes de Augustin Lesage.
Autant de formes d'un "habitacle mental" qui, par ailleurs, s'inscrivent dans la quête intemporelle et universelle de la cité utopique, de l'Abbaye de Thélème de Rabelais à la Cité radieuse de Le Corbusier en passant par le Palais idéal du Facteur Cheval.
L'exposition présente tant des artistes "historiques" que sont Aloïse Corbaz avec ses portraits flamboyants et Henry Darger, auteur de l'immense fresque graphique "The Story of the Vivian Girls", que contemporains.
Parmi les jeunes artistes dont certains sont déjà représentés par des galeries, Hans-Jörg Georgi à qui une salle est consacrée avec une installation monumentale constituée par son étonnante flotte aérienne destinée à sauver lemonde.
Bien que créées par des artistes dépourvus de formation esthétique et de connaissances en matière d'histoire de l'art et qui ne sont rattachés aux mouvements artistiques, leurs productions troublent également par leurs résonances avec ceux-ci.
Comme les obsessions typographiques de Kumizo Matsumoto qui évoquent le Lettrisme, les créations textiles de Judith Scott et celles de la plasticienne Annette Messager les créations Judith Scott ou le pop art warholien de Ike Morgan.
Chaque artiste, trois cents sont présents à la Maison Rouge, a son univers, un univers qui saisit le regard comme l'esprit. L'exposition invite à la traversée du miroir et à emprunter des chemins de traverse de l'art.
Se tient simultanément à la Halle Saint Pierre, lieu dédié à l'art brut, l'exposition "Sous le vent de l'art brut 2 - La Collection De Stadshof. |