Réalisé par Lee Sujin. Corée du Sud. Drame. 1h52 (Sortie le 19 novembre 2014). Avec Chun Woo-hee, Jung In-sun, Kim So-young, Lee Young-lan et Kimchoi Yong-joon.
Après "A girl at my door" de July Jung, le multi-récompensé, entre autres à l'édition 2014 du Festival du film asiatique de Deauville, "A Cappella", premier long métrage de Lee Sujin, permet de poursuivre l'exploration du cinéma contemporain sud-coréen.
Ces deux premiers films présentent de nombreuses similitudes tant sur le fond qu'en la forme. En effet, à l'identité de registre, celui du réalisme social, de genre, le drame individuel engendré par une société délétère, et de thématique, celle de la violence à l'encontre des femmes, s'ajoute la structure filmique qui casse la linéarité narrative par le procédé du flash-back.
En l'espèce, celui-ci, nonobstant la critique au premier degré de certains qui le juge laborieux ou pesant, est particulièrement judicieux au plan dramaturgique en ce qu'il présente une double fonction : l'une, exogène, qui permet le dévoilement progressif au spectateur du drame inrial occulté et l'autre, endogène, en ce qu'il matérialise les flashs mnésiques s'imposant à la conscience de la victime et qui ressortissent à la résilience.
Là est le coeur de cible du film qui traite de l'itinéraire douloureux d'une adolescente qui, dans une société sexiste, machiste et violente qui détient le record mondial du taux de suicide chez les jeunes, va devoir subir le principe de la double peine.
Car si, comme indiqué dans les premières images, les coupables ne sont pas toujours sanctionnés, les victimes le sont immanquablement : au traumatisme du crime s'ajoute, en application de la conception asiatique de l'honneur, l'ostracisation de celle qui est devenue la honte de sa famille, de son école et de son quartier.
Sous la direction d'un de ses professeurs, une jeune lycéenne est reléguée seule et sous une fausse identité dans une autre ville. Victime d'une agression qui sans être définie est implicitement dévoilée, elle considérée, sinon comme une criminelle, du moins comme une indésirable car non seulement elle est déshonorée mais, selon l'acception nationale de l'honneur, elle a déshonoré sa famille, son lycée et son quartier en le rendant public pour avoir porté plainte contre ses tortionnaires.
Si les coupables ne sont pas toujours sanctionnés, la victime subit une double peine. La jeune fille commence par endosser la statut de l'ostracisé et adopte un comportement qui tend à la rendre transparente, invisible et anonyme. Traumatisée, isolée, en situation de détresse absolue, abandonnée par son père, vénal et alcoolique, et sa mère remariée qui ne veut pas compromettre sa situation, elle est au bord du gouffre.
Mais comme l'instinct de survie saisi le noyé qui touche le fond de l'abîme, en l'espèce métaphorisée par la décision de l'adolescente d'apprendre à nager, se déclenche la pulsion d'autoconservation. Elle est sur la mince ligne de crête qui sépare la reconstruction de soi de la dépression victimaire.
Et la violence dans tous états est toujours omniprésente dont celle du crime originel bien évidemment qui constitue l'acmé d'une violence ambiante qui gangrène la société sud-coréenne depuis l'école, le molestage des écoliers dans le film de July Jung a pris l'ampleur d'une violence sadique exercée dans le cadre d'un gang de lycéens mené par un chef de bande roi de l'agrafeuse.
Lee Sijun filme l'errance mentale de l'adolescente d'une caméra objective, sans pathos ni déferlement compassionnel mais avec un vrai sens du tragique, dont le dénouement demeure incertain jusqu'aux dernières images et l'interpréttaion sensible de de l'actrice Chun Woo-hee bouleverse. |