Drame de Yannis Mavritsakis, mise en scène de Laurence Campet, avec Joséphine De Surmont, Antoine Doignon, France Ducateau, Pascal Henry, Hélène Jupin et Dominique Verrier.
S'inspirant des faits divers relatifs à l'enlèvement et à la séquestration prolongée de fillettes, et notamment du cas autrichien révélé en 2006, le dramaturge grec Yannis Mavritsakis s'intéresse ni à la victime ni à la nature "anecdotique" de ses relations avec son ravisseur mais au bourreau, et plus précisément à l'homme qui est sous le monstre.
Reclus entre le fantôme du père mort et l'omniprésence de la mère, "Wolfang" s'isole d'une réalité qu'il rejette pour construire "son" monde dans lequel il veut vivre un amour absolu et éternel avec "l'élue", celle qu'il va choisir unilatéralement et séquestrer abusivement.
Dans sa note d'intention, la metteuse en scène Laurence Campet évoque le personnage de Arnolphe, le barbon de "L'Ecole des femmes" de Molière qui adopte une enfant qu'il destine à être son épouse et l'élève selon ses préceptes et à l'écart du monde.
Si le processus opératoire est similaire, les mobiles de celui-ci semblent plus prosaïques car liés au conservatisme moral et à la crainte de l'infidélité attribuée au sexe faible. En revanche, ceux de Wolfang s'inscrivent dans une conception délirante et les conditions de détention de la jeune fille sont inhumaines.
Par ailleurs, s'il privilégie l'explication psycho-pathologique, il la croise avec l'approche mythologique tenant au "fatum" et la partition s'avère dérangeante comme toujours quand est abordée la thèse du coupable qui serait lui aussi une victime.
Ce sentiment est renforcé par sa composition, une suite de scènes bilatérales qui induisent la culpabilité de chacun, et même de la fillette innocente par sa naïveté bienveillante, dans le processus pathogène et la mise en scène qui exclut tout naturalisme.
Soutenue par les lumières de Manon Geffroy, la scénographie minimaliste de Fanny Laplane, des panneaux en quinconce évoquant tant les entourages sylvestres de l'univers pavillonnaire dans lequel se déroule le drame que la forme d'un labyrinthe mental, concourt également à la distanciation avec le réel.
A l'instar de René Loyon, dont elle est l'assistante et la collaboratrice, Laurence Campet signe une mise en scène au cordeau sans pathos ni excès compassionnel assortie d'une direction d'acteur rigoureuse. Tout est net, clair et précis et sans effet de style.
Le jeu des comédiens, tous au diapason, est sobre et juste. Et mention spéciale, dans les rôles principaux, à Joséphine De Surmont et à Antoine Doignon pour leur composition sensible. |