Comédie dramatique de Kunio Shimizu, mise en scène de Yukio Ninagawa, avec les comédiens du Saitama Gold Theater et du Saitama Next Theater.
Pour tous les amateurs éclairés et passionnés de théâtre, "Corbeaux ! Nos fusils sont chargés !" est "le" spectacle à voir à plus d'un titre puisque le texte de Kunio Shimizu mis en scène par Yukio Ninagawa en 1970 constitue la pierre d'achoppement du théâtre contemporain japonais qui a déboulonné le théâtre traditionnel.
Par ailleurs, il constitue un événement exceptionnel dès lors que Yukio Ninagawa, devenu depuis l’un des maîtres du théâtre japonais contemporain, monte à nouveau cet opus en précisant que "cette pièce est une réaction à cet activisme désespéré. Alors que la jeunesse se perdait dans la violence, nous voulions l’opposer à une colère des aïeux pour ramener un peu de raison dans nos luttes".
Deux scènes saisissantes, car visuellement spectaculaires, encadrent le propos. En prologue, trente boites en verre en forme d'aquarium, évoquant tant des cercueils que des couveuses, recèlent des corps recroquevillés en position foetale qui, réveillés par le bruit d'une explosion, vont se mettre en mouvement. Ce ne sont ni des nouveaux-nés, ni des individus d'un troisième type, mais de vieilles femmes plébéiennes qui crient qu'elles sont "des corbeaux noircis par la honte de l’homme".
Pour l'épilogue, à leurs corps décimés se substituent ceux de jeunes filles et de jeunes gens vêtus de blanc et ensanglantés. Entre les deux se déroule une farce tragique menée par les mémés furieuses armées de leur baluchon qui assiègent le tribunal, devant lequel sont déférés deux petits-fils accusés d'avoir troublé l'ordre public.
Elles s'érigent en tribunal populaire pour se substituer aux magistrats, les juger et les condamner à mort comme archétypes de "ceux qui n’ont pas accomplis leur devoir humain" et précipité l'homme dans le chaos.
Quatre décennies après, les louanges unanimes poursuivent la mythification de ce spectacle mythique et la lecture des critiques permet de constater que celles-ci s'adressent moins au fond qu'à la vitalité des acteurs, près d'une quarantaine d'alertes septuagénaires, et à la maîtrise de la mise en scène chorale, et presque chorégraphiée, pour diriger ceux-ci présents simultanément sur le plateau.
Quant à l'impact de ce "revival" sur l'édification des jeunes générations... |