Réalisé par Damien Chazelle. Etats Unis. Comédie dramatique. 1h47 (Sortie le 24 novembre 2014). Avec Miles Teller; J.K. Simmons, aul Reiser, Melissa Benois, Austin Stowell, Nate Lang, Chris Mulkey et Damon Gupton.
Pour une fois, il ne faut pas avoir peur d'avoir raison avec tout le monde et de dire à l'unisson de tous que "Whiplash" est un grand film enthousiasmant dont on ressort avec une pêche incroyable, et l'impression d'avoir joué, comme son héros, un solo de batterie génial.
Les films sur le jazz ne manquent pas, mais souvent il s'agit de biopics qui racontent comment un jazzman génial finit par s'imposer avant de sombrer dans le cauchemar des paradis artificiels.
"Whiplash" de Damien Chazelle prend les choses autrement : le film suit le parcours musical semé d'embûches d'un jeune batteur jusqu'au moment où il atteint la consécration, celle où il est devenu pour les autres autant que pour lui-même un musicien.
L'astuce du film est de ne pas présenter Andrew comme un étudiant forcément doué. Élevé par un père aimant mais sceptique sur ses capacités, issu d'une famille où l'on préfère les "vrais" intellectuels aux artistes, Andrew a l'air en plein doute au début du film sur ses capacités à s'imposer dans la très huppée école de musique de Manhattan où il commence ses études.
Et puis, soudain - ô miracle - le démiurge de l'établissement, le terrible Terence Fletcher, l'entend jouer dans son coin et le prend en mains... Andrew a en effet frappé les oreilles du maître. Pour le meilleur et pour le pire, se forme alors un couple infernal, basculant au gré d'une note ou d'un son de l'amour à la haine, que l'on va suivre jusqu'au solo final de batterie, un solo qui fournit une scène de cinéma garantie anthologique.
Suspense bourré de rebondissements, de retournements, "Whiplash" a l'immense vertu de montrer comment naît un musicien et de s'interroger sur les méthodes pour le faire naître.
Terence Fletcher, incarné à la perfection par J.K. Simmons, est un homme prêt à tout pour que puisse éclore un nouveau Charlie Parker ou, percussions oblige, un nouveau Gene Kupra. Tel un instructeur de commando, il est partisan du "joue ou crève", développe un nietzschéisme sans scrupules qui fait froid dans le dos. Peut-on accepter sa morale d'airain : "le génie ou la mort" ?
Plein de pirouettes, "Whiplash" de Damien Chazelle montre comme Andrew va se rebeller contre ce prof fanatique tout en absorbant beaucoup de ses préceptes, comme on pourra le voir dans la scène où il rompt avec sa petite amie.
Tout en musique, du début à la fin, "Whiplash" de Damien Chazelle est un film perpétuellement en tension, en ébullition. La bataille entre son jeune interprète, Miles Teller, nouveau Sean Penn que l'on avait déjà distingué l'an passé dans "The Spectacular Now", et JK Simmons, énorme second rôle depuis vingt ans et qui trouve là de quoi passer définitivement au premier plan, est titanesque. On imagine aussi ce que cela pourrait donner sur une scène.
Quant à Damien Chazelle, qui s'est inspiré de sa propre histoire pour bâtir celle de "Whiplash", on ne peut lui prédire qu'une carrière cinématographique égale à celle que l'on pressent au personnage d'Andrew.
Le film de l'année ? Oui. Et ce sera sans doute le dernier mot de tous ceux qui seront conquis par cette tempête musicale. |