Avec l'exposition "L'art de manger", le Musée Dapper propose un voyage au long cours, en Afrique et en Océanie, et en immersion, non dans la cuisine exotique ou l'histoire de la table, mais dans les "Rites et traditions" qui consacrent l'acte de manger; détaché de sa fonction biologique, comme un élément de ritualité tant profane que sacré.
Les commissaires Christiane Falgayrettes-Leveau, directeur du Musée Dapper, et Anne Van Cutsem-Vanderstraete, historienne de l’art, ont sélectionné plus d'une centaines d'objets constituant les relais fonctionnels d'us et coutumes ordonnés autour des aliments érigés en offrandes.
L'exposition scénographiée par Marc-Olivier Trouvin, qui joue sur les lumières tamisées propres à révéler la beauté des objets essentiellement en bois et en terre cuite et a dynamiser leurs couleurs chaudes et patinées, se déploie de manière thématique sur deux niveaux.
L'art de manger : du culturel au cultuel
Compte tenu de son champ géographique qui couvre deux continents, l'exposition ne vise pas à l"exhaustivité et ne se déroule pas suivant un parcours historique ou chrono-thématique mais opte pour des focus thématiques fédérateurs, un aliment, un objet, un lieu ou un rite, qui permettent, au lieu d'un parcours imposé, une déambulation réflexive.
Tous les objets présentés, qu'ils soient de stockage des denrées, de préparation comme les pilons et mortiers, de table comme les plats cérémoniels, les figures de porteurs d'offrandes et les autels, attestent du savoir-faire des artisans-artistes qui les ont réalisés.
Par ailleurs, ils se caractérisent par de spécificités formelles et d'un vocabulaire graphique souvent anthropo-zoomorphe communs qui tiennent à leurs lignes épurées et à leur facture d'une modernité intemporelle qui expliquent la fascination des avant-gardes du début du 20ème siècle et l'engouement des collectionneurs pour "l'art premier".
Le repas partagé est au coeur des institutions et cérémonies sociales, qui rythment la vie des individus au sein d'une communauté, de la célébration de la naissance aux funérailles en passant par celle du mariage.
Il s'inscrit également dans une pratique à destination de l'autre, qu'il s'agisse de coutumes d'hospitalité ou de règlement des conflits.
Ces objets essentiellement rituels interviennent dans les pratiques magico-religieuses liées à une cosmogonie spécifique et à un abondant panthéon composé des ancêtres, de dieux et de nombreuses divinités.
Dans ces sociétés hautement hiérarchisées dirigées par des confréries "secrètes", ils sont utilisés dans les rites d'initiation des adolescents et les rites d'investiture des chefs religieux.
Seuls ces derniers consommaient la denrée "exceptionnelle" qu'est la chair humaine et sont présentés des objets liés à la "chasse aux têtes" et aux rituels d’anthropophagie.
Les objets rituels constituent des relais symboliques de la médiation spirituelle avec les puissances qui régissent le monde.
A l'instar de l'humain, leur faim doit être apaisée par des offrandes propres à contribuer et restaurer les forces vitales, par exemple déposées dans le récipient tenu par les "porteurs de coupe", représentation des initiés portant une coupe d'offrande.
Et ce, tant pour éviter leur courroux et obtenir leur protection que pour les remercier de leur intervention notamment dans les festivités propitiatoires.
Chaque vitrine permet de découvrir de superbes, objets tels, entre autres, une calebasse à vin de palme du Cameroun au décor très graphique de perles de verre, une coupe dogon surmontée d'une statue équestre et un masque kanak de grandeur d'homme représentation d'un chef guerrier défunt, et parfois étonnants comme les couvercles de récipients congolais dont le motif sculpté servait de moyens de doléances matrimoniales pour les épouses. |