Réalisé par Zhang Yimou. Chine. Drame. 1h49 (Sortie le 17 décembre 2014). Avec Gong Li, Chen Daoming et Zhang Huiwen.
En Chine, pendant la révolution culturelle prolétarienne, Lu Yanshi, professeur opposant au régime qui s'est évadé d'une ferme de rééducation pour retrouver sa famille, est arrêté sur dénonciation de sa fille endoctrinée et flouée par une promesse d'obtenir, en contrepartie de sa "loyauté" politique, le premier rôle dan un ballet de propagande organisé par son école de danse.
Quelques années plus tard, il est libéré et revient chez lui, délesté de toute velléité dissidente, pour vivre paisiblement le reste de son âge auprès de son épouse et de sa fille. Mais la fatalité s'acharne contre lui et un combat d'une toute autre nature l'attend.
Pour Dan-Dan, sa fille, il demeure un traître à sa patrie, celui dont elle a découpé le visage sur toutes les photos de l'album familial et dont la filiation a obéré son destin social en l'oscatrisant comme "fille de criminel".
Mais pis encore, son épouse Feng Wanuy manifeste les symptômes d'un déficit cognitif avancé proches de ceux de la maladie d'Alzeihmer, qui se manifeste non seulement par des troubles de l'humeur mais également par des pertes mnésiques. Elle ne le reconnaît pas mais espère toujours le retour de celui qu'elle n'a jamais cessé d'aimer et, en vain, se rend chaque jour à la gare.
Lu Yanshi va alors se consacrer à d'inlassables tentatives de stimulation non seulement pour réveiller cette conscience délitée et se faire "reconnaître" mais également pour ralentir une inexorable désagrégation.
Avec "Coming home" le cinéaste chinois Zhang Yimou livre une histoire d'amour. Tout simplement. Une vraie histoire d'amour, bravant le temps et l'adversité, basée sur la fidélité l'amour et l'indéfectible espoir de retrouver le bonheur perdu. Certes des sentiments et des valeurs aujourd'hui souvent raillées et renvoyées à la romance "chick-lit".
D'ailleurs ce que chicanent certains critiques en y substituant de manière non moins péjorative le terme de "mélodrame" et qui, par ailleurs, reprochent à Zhang Yimou d'éluder le tragique de la situation historique à défaut d'en présenter une fresque édifiante, et donc, un manque de témérité, tout en le taxant d'académisme dans le traitement.
Mais, d'une part, ce n'est pas le propos du film et le choix du cinéaste s'impose en ce qui concerne sa liberté de choix du sujet. Zhang Yimou qui, la soixantaine venue et après "Epoux et concubines", "Le sorgho rouge", "Qiu Ju, une femme chinoise", "Hero" et "La cité interdite", n'a rien à prouver, propose avec "Coming home" un drame intime sur la thématique de l'amour.
D'autre part, et en tout état de cause, la situation socio-économico-politique, même si elle ne constitue que la toile de fond, est belle et bien évoquée, et de façon plus subtile, par la tonalité grise et misérabiliste, au sens premier du terme, du film.
En effet, pendant ces années de plomb, tout est gris, le paysage urbain avec son quartier pauvre,ses intérieurs modestes, ses silhouettes ternes vêtus de nippes de fortune sans couleur, et le ciel sans soleil toujours voilé qui ne déverse que pluie et neige. Le temps du printemps et du renouveau n'est pas de saison.
Quant à la critique d'académisme, outre l'erreur de terminologie, elle n'est pas fondée et le terme de classicisme serait plus approprié. A l'instar des peintres qui, même parmi les plus reconnus et novateurs, ont travaillé sur les motifs atemporels traités par les maîtres anciens, Zhang Yimou décline une thématique fondamentale et universelle d'une manière qui, nonobstant la trame musicale lacrymogène de Chen Qijang, ne cède pas au naturalisme mélodramatique mais, grâce à la charge émotionnelle des images, se hisse vers l'absolu magique des amours de légende.
Il use sans parcimonie du gros plan qui s'impose pour appréhender l'état d'âme des protagonistes dans les imperceptibles signes de visages asiatiques qui semblent souvent impassibles car dépourvus de l'exubérante démonstrativité "latine" et doit être louée la subtilité de jeu du couple d'acteurs.
Chen Daoming est magnifique dans le dévouement déterminé et l'abnégation sans faille, tout comme, dépourvue de tout artifice, Gong Li, méconnaissable, en femme emmurée dans des souvenirs qui se dérobent. Tous deux sont poignants dans cet amour partagé dans des temporalités parallèles.
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