Drame de William Shakespeare, mise en scène de Rona Waddington, avec Joanna Bartholomew, Fiamma Bennett, Nick Calderbank, Damian Corcoran, Vincent Latorre et Gabriella Scheer.
Pourquoi ne pas faire l'expérience d'une pièce de Shakespeare dans sa langue d'origine ? Pourquoi ne pas tenter la V.O comme au cinéma ? Avec comme seule différence qu'il faudra lever la tête plutôt que de la baisser.
Dans son adaptation du "Roi Lear" pour une scène de taille réduite, Rona Waddington a rassemblé des comédiens, la plupart anglais, qui exercent ordinairement en France. Ils ont ainsi le double avantage de maîtriser la fameuse "langue de Shakespeare" et de le faire sans chercher à paraître plus "shakespearien que Shakespeare".
Il ne va donc pas s'agir de se mettre dans les pas de la Royal Shakespeare Company et de restituer à la perfection l'anglais classique, mais de retrouver avec des moyens et une distribution limités le souffle et l'essence du génial auteur d'"Hamlet".
Après avoir monté "La Tempête", dans des conditions analogues, Rona Waddington a choisi cette fois-ci de s'attaque au "Roi Lear", autre mécanique merveilleuse, pleine de bruit et de fureur, qui est un récit cursif, où l'action contient la réflexion et ne s'arrête jamais pour la développer. Shakespeare y raconte les malheurs d'un pays quand son roi opère de mauvais choix et ne sait pas, par exemple, choisir son successeur.
Avec peu d'éléments, une scène presque vide, des drapeaux et une couronne, le "King Lear" de Rona Waddington emporte à toute vitesse son spectateur au plus près du tourbillon shakespearien.
Sans doute faut-il connaître préalablement la pièce pour saisir tout ce qui se joue entre ce père et ces trois filles. À la fois drame familial et tragédie royale, "Le Roi Lear" est une des pièces les plus intenses de Shakespeare.
Dans le rôle-titre, Nick Calderbank déploie sa haute stature dans une chemise rouge vif qui contraste avec la blancheur de ses cheveux et de sa barbe. Lear, pour lui, est d'abord un être perdu dans ses aveuglements. Il ne hurle pas et sa colère est plus une plainte qu'une rage.
Dans cette version condensée où leurs époux ont quasiment disparu, les filles de Lear deviennent des personnages plus extrêmes. Gabrielle Scheer et Jeanne Bartholomew jouent sans réserve les assoiffées de pouvoir et d'amour, pendant que Fiamma Bennett est une Cordelia à la douceur douloureuse.
Au bout du compte, ce "King Lear", qui n'a pas pour vocation de revisiter la tragédie de Shakespeare, en donne une interprétation cohérente servi par six acteurs dont on sent le plaisir d'être ensemble à pareille fête. |