Pessimistes comme l’humanité qu’on nous promet, noirs comme les mines défaites qu’on nous crache à la figure, corrosifs comme le vitriol projeté sur le miroir de nos âmes sans fard… ce sont les nantais de Cabadzi, leur âme, leur musique, leurs paroles.
Des jaloux, des opprimés, des laissés pour compte, des abandonnés, des snobés, des mis de côté… tout ce que vous avez forcément ressenti un jour, un moment de peine, des vexations malheureusement devenues ordinaires, dans un monde où l’apparence est la valeur la plus surestimée.
Mais revenons-en aux sources : Cabadzi, c’est le rassemblement de trois énergumènes autour d’une même conviction : la vie est une fleur avec des épines, beaucoup d’épines. Vikto, Jo et Lulu. Respectivement Victorien Bitaudeau, Jonathan Bauer et Olivier Garnier.
De la désillusion sur des rythmes rap, du désenchantement en violoncelles romantiques, un regard sincère sur les déceptions quotidiennes, sans fiel ni amertume, Des angles et des épines est le nouvel album de Cabadzi. Après Digère et recrache, une tournée de what mille dates, des trophées et médailles (Printemps de Bourges, Prix de l’Académie Charles Cros et tant d’autres…), les voilà de retour pour ce deuxième album, entièrement autoproduit et auto-fait avec leurs six petites mains pleines de doigts (ce qui fait 30 doigts tout pile).
De la peine sans la rancœur, du chagrin sans le découragement, de la mélancolie sans acrimonie, Cabadzi est la voix des cœurs amis, ceux qui tendent un mouchoir en cas de besoin, qui prêtent une épaule pour pleurer, qui sont là quand plus personne ne reste. Qui connaissent la badass qui sommeille en nous et qui nous aime quand même. Qui savent affronter notre mauvais côté de la force, celui qui nous a forgé avec ses grandes pinces crabiques qui piquent.
Des angles et des épines, ce sont 10 titres, deux bonus et autant de plongées dans les profondeurs faustiennes des trois compères. Et en français, s’il vous plaît. Et en beau français. Dans la belle langue d’un Voltaire ou d’un Rousseau disséquant sa sombre société et ses noires chevauchées. Cabadzi est Le Horla de la chanson française, cet être indéfinissable qui vous poursuit dans vos cauchemars, celui que vous combattez, mais que vous ne laisserez jamais s’échapper. Parce qu’il vous a façonné.
Et comme je suis sympa (je ne vois pas d’autre explication), j’ai eu droit à un joli coffret, numéroté à la main, certifié à l’encre indélébile, daté, accompagné de 22 cartes, tantôt des photos qui dérangent un peu par le délabrement qu’elles illustrent, mais criantes de vérité, avec l’intégralité des paroles au dos, tantôt cartes postales. Gâtée que je suis, va !
Au dos de l’album, un résumé, un état d’esprit, une ode, un édit de Cabadzi, incluant les titres de l’album dans un court texte percutant et sensible, qui illustre à lui seul fort justement l’esprit de l’album : "Les "Féroces intimes" que l’on cache n’étouffent pas "Le bruit des portes". "Cent fois" tu tourneras te demandant pourquoi "Nous sommes deux femmes". "Mon ami". Ne t’en fais pas, c’est l’éveil qui approche quand la nuit est "Plus sombre". Chacun vit ainsi, avec au fond de lui un "Cancre ultime" dont l’ombre est "L’odeur" des choses que l’on cache, la "Messe noire" des désirs qu’on ressasse. Solitaire paisible dans tes douceurs et tes rires, tu n’auras qu’une seule chose à dire : "D’en haut, la ville est belle en bas". Ainsi tu éviteras tous ceux qui ne pensent qu’à "S’aimer vite" dans le chaos d’une dérisoire détresse. Ainsi tu crieras, heureux, "Bonjour tristesse"."
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