Il tire son nom d’un poème de Raymond Queneau : "Courir les rues, battre la campagne, fendre les flots" et rien que ça me les rend sympathiques, les ptits gars de Courir Les Rues. Maxime Tailliez en est à l’origine. Au départ, des poèmes adolescents (Raymond Queneau fut un temps au programme des lycéens) mis en musique. Et d’inspirations subites, de bandes de potes et d’instruments, il n’y a pas grand-chose à faire pour constituer un répertoire, un style.
Manuel du faire semblant. Ah oui ? Intéressant ça. Et fort pratique ! Parce que faire semblant n’est pas toujours évident, et à part la Joconde, je défie quiconque (avec un minimum d’amour propre évidemment) de réussir à faire semblant en toute circonstance. Courir Les Rues nous livre ici un manuel complet. Bonne idée. Accrocheur.
Parce que le quotidien ne nous satisfait pas toujours. Pas souvent non plus. Même si la vie serait une question de choix, qu’il vaut mieux se détacher de tout ce qui ne dépend pas de nous, la société ne nous a pas appris à être aussi épicurien. Donc nous mimons, nous jouons, nous travestissons, nous faisons semblant. Nous sauvons les apparences. C’est le principal sujet de ce troisième album. Directement inspiré par nous. Simples mortels. Drôles de mortels. Sacrés mortels.
Nous rasons les vieux trucs pour fabriquer de nouveaux départs, on a changé les courant, fait reculer la mer : "on a rempli la bétonnière, pour réparer les bêtises d’hier, pour remplacer les étoiles, on allume les réverbères, on voit que dalle à cause de la pollution dans l’air".
Avec "Attends-moi", et son refrain ravageur, tout en pop et en blop, à accompagner dès les premières notes, Courir Les Rues illustre notre pessimisme égoïste à "Aimer sans aimer vraiment". Et ce n’est pas fini, vous saurez aussi intérioriser la jalousie avec "Dancing", à propos d’un cliché de comédie romantique : les retrouvailles dans un pressing (ce qui n’arrive qu’aux autres évidemment, et pour tous ces couples qui oublient que d’autres sont autour et sont terriblement jaloux).
Chaque titre est une perle, nonchalante, cynique et réaliste, un regard sur notre monde. Et j’aime autant vous dire qu’ils sont peu les artistes à ne pas me souler avec leur grand amour et leur déclaration en guimauve (oui, je suis jalouse et alors ?). Avec sa voix de crooner suave et quasi-romantique, Courir Les Rues balaie les clichés gominés pour se tailler un costard à la mesure de son autodérision. Un délice.
Pop et folk, refrains et guitares crépitantes, assemblé au piano et aux plumeaux sur les tambourins, c’est doux, c’est poétique et superbement bien écrit. Du talent dans les notes, des rimes, des rythmes, des airs et des mélopées. Attachant, élégant, subtil dans le verbe et dans les sons. Ça fait beaucoup de qualificatifs tout ça oui, mais écoutez, vous verrez, j’en ai certainement oublié.
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