Rien, collectif protéiforme d'individualités pertubées parvenant tout de même à faire jaillir une certaine cohérence de leur folie, comme il se définit lui-même, nous avait complètement bluffé lors de leur concert parisien à la Guinguette pirate au point d'acheter leur album Requiem pour des baroqueux sorti en 2003.
Cela étant, le quatuor dur de Rien, aux pseudonymes énigmatiques et psychédéliques, les guitaristes Yugo (coordinateur aux méthodes slaves) et Dos 3 (autiste multifonctions) , le bassiste DJ Goulag (erreur nordiste véhiculant) et le batteur (l'homme aux baguettes dont on n'a pas le droit de prononcer le nom) sont de sacrés musiciens ! Cet album, souvent étiqueté de grand fourre-tout dadaïste, d'album trompe-l'oeil et labyrinthique, prouve, en tout état de cause, que quels que soient le concept, le deuxième degré, la quadrature du cercle ou l'âge du capitaine, ceux qui officient sur cette galette connaissent la musique et ont peut être inventé un nouveau registre musical le barock.
Première approche avec la pochette qui se déploie pour former un cube, figure géométrique parfaite, dont chaque face contient une sorte de manifeste doublé de la genèse esotérico-cinéphilistique de chaque morceau et qui une fois construite renferme ledit album-graal.
Ensuite, il faut se lancer à l'écoute du premier opus le "Requiem pour des baroqueux part 1", plus de 20 minutes quand même, qui de la flûte allègre aux guitares acérées s'achève sur les dernières volontés du Général de Gaulle quant à l'organisation de ses propres obsèques.
En symétrique, "Requiem pour des baroqueux part 2" clôt l'album de manière époustouflante.
Entre les deux, Rien vibrionne avec une guitare un peu folk dans "The Dallas session" où se mêlent les grandes sagas des Kennedy et des Ewing, intermède avec "Mesto piano", une horrible comptine hallucinée pour Chuky et place des duos de guitares à tomber par terre, denses, efficaces, imparables sur "Fantasia chez les ploucs" tout en délirant sur
"Décalage contrôlé" morceau sur lequel un journaliste à la voix proche du célèbre Albert Simon interviewe Auguste Picard spécialiste de la plongée en profondeur et inventeur du bathyscaphe.
Cet album impressionne par sa maîtrise technique instrumentale qui se joue de tous les registres musicaux baroque, pop, rock déclinés dans tous ses états, free-jazz, electro, passés à la moulinette de l'absurde, et sur lesquels sont posés des bandes sonores de films ou de séries télé, des voix off et des bidouillages sonores.
Et ça déménage les méninges !
"Du néant, rien ne saurait procéder" qui est devenu un aphorisme présenté sous la forme d'une locution latine Ex nihilo nihil (Rien ne vient de rien). Par une polysémie habile, il suffit de mettre une majuscule à "rien" pour que cet aphorisme change de sens. C'est aussi en prendre le contre-pied ou alors poser une question insoluble : si rien ne vient de rien pourquoi Rien est-il venu de rien ?" Rien par Rien.
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