Réalisé par Alex Ross Perry. Etats Unis. Comédie dramatique. 1h48 (Sortie le 21 janvier 2015). Avec Jason Schwartzman, Elisabeth Moss, Jonathan Pryce, Krysten Ritter, Josephine de la Baume, Eric Bogosian, Jess Weixler et Dree Hemingway.
Le cinéma américain a-t-il enfin trouvé le successeur de Woody Allen en la personne du jeune réalisateur Alex Ross Perry ?
Au spectateur de juger sur pièce avec son opus intitulé "Listen Up Philip" pour lequel les critiques évoquent systématiquement le pré-carré allenien sans toutefois être unanimes, faisant le grand écart entre la parenté spirituelle à la pale copie.
Si Alex Ross Perry reprend les fondamentaux de la comédie brooklynoise centrée sur l'intelligentsia juive newyorkaise, c'est sous la forme d'une déclinaison arty propre au mouvement "mumblecore" et son personnage-titre au look "hipster" variante grunge - à défaut de la fréquentation régulière du coiffeur-barbier et du savonnage au gant de crin - n'a guère de point commun avec la figure du "schlemiel" névrosé, complexé et obsédé sexuel sentimental à la Woody. Il lui manque notamment l'esprit, l'humour, le sens de l'auto-dérision et l'épaisseur d'un personnage blanchi sous le harnais de l'autofiction.
"Listen Up Philip" se présente non pas comme une réflexion sur les affres de l'écriture mais comme la longue litanie d'un trentenaire sociopathe, atrabilaire et, de surcroît, totalement dépourvu tant d'affect que de libido, affichant une très haute estime de soi, qui ne veut que se consacrer à l'écriture ambitionnant devenir un écrivain célèbre, encensé et reconnu dont l'oeuvre marquera l'histoire de la littérature., qui s'enferme dans la posture de l'écrivain victimaire à l'instar du fameux écrivain américain qui porte le même prénom.
Car, auteur de deux romans ayant eu une certaine fortune critique, il ne comprend pas que le tapis rouge ne soit pas déroulé sous ses pas et fulmine contre la tiédeur des quelques personnes qu'il connait, en réalité ses petites amies, l'ex et l'actuelle, car il n'a ni parents ni amis, qui ne se prosternent pas à ses pieds.
L'injustice littéraire et le manque de discernement du lectorat le confortent dans sa posture d'écrivain victimaire qui correspond de surcroît à une conception nombriliste du monde et une approche méprisante de l'altérité.
Seul trouve grâce à ses yeux un vieil écrivain à la notoriété internationale (jolie composition hemingwayienne de Jonathan Pryce) non seulement pour les conseils qu'il lui dispense mais pour son invitation à venir passé l'été chez lui. Car un deuxième problème, plus prosaïque, le mine.
A défaut de fortune personnelle et de velléité ouvrière, il a jusqu'à présent vécu d'une liaison opportuniste qui lui apporte ce qu'il nomme de manière cynique "la stabilité nécessaire à l'écriture" avec une photographe émergente (Elisabeth Moss toujours au bord des larmes) qui non seulement l'héberge et l'entretient mais l'aime et qui va finir par se rendre à l'évidence.
Alors il parle beaucoup, même en voix off d'autant qu'il lui est difficile de trouver un interlocuteur qui supporte son arrogance et son égotisme, façon moulin à paroles qui tourne à vide et en rond. Jason Schwartzman est parfait dans ce rôle de triste sire sans charisme et totalement détestable qui ne suscite aucune empathie.
Et même si Alex Ross Perry se la joue Allen pour l'habillage musical jazzy et Cassavetes pour l'image qui semble prise avec une caméra portée, il n'est ni l'un ni l'autre, et le le film s'enlise dans la vacuité. |