Louis Lanher ne manque pas d'air en empruntant des paroles d'une chanson écrite en 1871 après l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'empire allemand pour les destiner aux féministes dans un opus au titre accrocheur, qui n'en reflète pas exactement le contenu, et s'affirmer en "militant féroce de la cause antiféministe".
Alors certes, il déverse ses foudres sur le plan pour l'égalité filles-garçons à l'école avec, en ligne de mire de son jeu de massacre, la ministre de l'Education nationale, la parité imposée par la discrimination positive, les opinions sur la théorie du genre érigées en vérités et le faible niveau d'exigence intellectuelle du débat contemporain sur ce sujet de société.
Mais les femmes qu'il décrit, celles de sa biosphère, qu'il côtoie et observe de l'intérieur, sont tout sauf des féministes, c'est-à-dire des femmes engagées dans la lutte politique, philosophique et sociale pour les droits des femmes. Ce sont des femmes appartenant à une petite caste de privilégiées qui ne luttent que pour elles-mêmes et pour la défense de leur strict intérêt personnel.
Par ailleurs, la qualification de "essai vérité" par son auteur et d'"observation quasi-ethnologique des ravages combinés de l'éducation et du féminisme contemporain" par son éditeur, s'avère également fausse et vraie dans la mesure où, d'une part, il s'agit davantage d'un opus humoristique au ton vaguement polémique dans le genre "page turner" que d'un essai.
D'autre part, il cible un minuscule microcosme, celui des "CSP+ de centre-ville", de plus sévissant dans un secteur d'activité de niche - l'audiovisuel et plus spécifiquement la production d'émissions de divertissement - et de surcroît limité à une sous-espèce bien délimitée, celle des femmes trentenaires en couple avec enfant - réunies sous le terme générique de "mères de famille" - dont l'une des (pré)occupations obsessionnelles consiste en la prévention contre l'adultère et le divorce.
Elles disposent d'autant plus de temps à consacrer à cet égotiste souci quotidien qu'elles occupent des postes dits décisionnaires qui, du fait du pléthorique bataillon d'assistants et de petites mains chargés du travail effectif dont elles s'entourent, disposent d'un conséquent temps libre à consacrer à leur vie privée.
Enfin, les homo sapiens femelles de cette sous-tribu de la classe bourgeoise parisienne sont stéréotypées puisqu'elles "ont de longs cheveux soyeux, portent des petites culottes American Apparel et lisent le magazine Elle" qui, dixit l'auteur "sont plus fascinantes que la moyenne des femmes", opinion subjective qui ne témoigne que de son propre goût.
Exemples, anecdotes et extrapolations spécieuses à l'appui, Louis Lanher dévoile que ces femmes qui se proclament progressistes et féministes ne sont que conservatrices de l'ordre bourgeois en renversant simplement la polarité homme/femme, puisque le féminin devient la norme.
Fondée sur la loi sacrée de la monogamie et arc-boutée sur une customisation opportuniste de la théorie du genre, leur stratégie de combat repose "une arme de destruction massive", le planning surbooké destiné à ne laisser aucune plage d'inactivité à leur conjoint, à éradiquer toutes amitiés masculines qui sont "assimilées à crime en réunion" et araser "la sexualité masculine considérée comme une infraction à l'humanité".
Elle est assortie d'une surveillance constante opérée tant par l'intéressée que par ses homologues réunies dans "un gang des mères" habilité à effectuer des missions de minage de terrain en cas de tentative velléitaire.
Ainsi, "Les féministes n'auront pas l'Alsace et le Lorraine" épingle le féminisme "extrémiste" avec une belle pincée de mauvaise foi et une copieuse louchée de mauvais esprit, et Louis Lanher décrypte les moeurs de cette tribu de manière jubilatoire, ce qui intéressera le lecteur qui se pique d'anthropologie urbaine et de branchitude.
Il semble même initier une croisade, au moins au plan dialectique, au nom de ses congénères engouffrés (volontairement) dans la conjugalité et la paternité et se retrouvant confinés entre "les dîners de couples et les promos du magasin Bonpoint" dont il prend la défense avec l'aisance que lui ont conféré sa formation d'avocat et sa pratique du journalisme.
Et ce, n'étant pas directement concerné, car vivant avec une perle rare prénommée Lolie Blue qui est "le bâton pourri dans l'organigramme des femmes à couilles", même s'il patit du veto "anti-potes".
Tout cela est-il bien sérieux et grave ? Louis Lanher aime jouer avec le lecteur et dès son avant-propos "salvateur" il indique qu'il s'agit, selon la qualité du lecteur, d'une fiction où tout est faux ou d'un document où tout est vrai.
Et que déduire de son ambigüe illustration en couverture, couleur rose girly, avec des bois de cervidé au-dessus de ce qui paraît représenter de manière stylisée des sous-vêtements masculins "populaires", le fameux marcel, et le slip-kangourou : s'agit-il du trophée de chasse des féministes ou des armoiries de la ligue séminale anti-féministe dont il pourraît être le champion ? |