La Pinacothèque de Paris propose de remonter l'horloge du temps en changeant de siècle et de tourner le regard vers la capitale de l'Empire austro-hongrois où se déroule la déclinaison viennoise de l'Art nouveau avec l'exposition "Au temps de Klimt, la Sécession à Vienne".
Elle a été conçue en collaboration avec le Musée du Belvédère de Vienne, détenteur la plus belle collection d’art autrichien et la grande collection au monde d’œuvres de Gustav Klimt, Egon Schiele et Oskar Kokoschka, qui a procédé à l'essentiel des prêts et dont le directeur Alfred Weidinger en assure le commissariat.
Pour évoquer la Sécession viennoise qui n'est pas une école picturale mais un mouvement artistique de grande ampleur qui a essaimé dans tous les arts, les beaux-arts comme les arts décoratifs, les arts appliqués et l'architecture en les fédérant autour de certains pôles novateurs, il a opté pour une monstration chrono-thématique.
Scénographiée avec sobriété par l'architecte Laurent Guinamard-Casati, elle inclut des pièces de mobilier signées Adolf Loos, des objets décoratifs dont les céramiques très prisées de Michael Powolny, des clichés du photographe pictorialiste Heinrich Kühn ainsi que des documents iconographiques relatifs aux réalisations de Otto Wagner, précurseur de l'architecture moderne.
La Sécession viennoise, transition fulgurante entre le néo-classicisme et l'expressionnisme
La Sécession viennoise ne constitue pas une école dogmatique mais ce qui aujourd'hui pourrait se qualifier de collectif regroupant les acteurs de la scène artistique émergente de l'époque en rupture avec les canons de l'art établi sinon officiel dont le ralliement va générer une lame de fond qui engloutit l'académisme et l'historicisme de la Vienne néo-classique.
La novation s'opère du temps - et autour - du peintre Gustav Klimt qui se trouve en être un des précurseurs au sein de l'Union des Artistes Figuratifs, la figure emblématique et l'ambassadeur qui a connu le plus grande notoriété.
L'oeuvre de Gustav Klimt est représentée par des oeuvres de jeunesse, des tableaux de la période d'or tel celui de "Judith" retenu pour l'affiche de l'exposition et surtout, point d'orgue de l'exposition, la reconstitution de la monumentale "Frise Beethoven" dont le grand public ne connaît souvent que des séquences tronquées.
Réalisée pour l'exposition du Pavillon de la Sécession de 1902 et conçue comme un hommage au musicien, elle traite de thèmes existentiels, tels l'aspiration au bonheur et les souffrances humaines, ou symbolistes et les bienfaits de l'art.
La peinture décorative, l'ornementation à la feuille d'or qui évoque le style des enluminures comme les mosaïques byzantines et la place majeure de la figure féminine caractérisent lelangage plastique de son auteur, fils d'orfèvre formé à l'Ecole des arts décoratifs de Vienne.
La femme est un des communs dénominateurs de la Sécession viennoise fédère une myriade d'artistes au style différent, de l'impressionnisme formaliste de Koloman Moser à la subjectivité expressionniste de Egon Schiele.
Dans le genre du portrait, la femme occupe une place privilégiée.
Une femme en majesté, une femme dans tous ses états et ses âges d'une féminité magnifiée et iconifiée, imprégnée de l'héritage symboliste, de la jeune fille innocente à la femme fatale, en passant par le portrait idéalisé de la femme bourgeoise.
La femme est toujours nimbée de sensualité et souvent dotée d'une charge érotique qui, chez Egon Schiele et Oskar Kokoschka n'est pas que subliminale.
Mais les peintres sécessionnistes pratiquent également l'art du portrait miroir de l'âme de manière très différenciée, du flou évoquant le rendu du sfumato au réalisme photographique.
Il en est de même pour la peinture de paysage qui révèle une large palette de l'impressionnisme au naturalisme apaisant avec parfois des réminiscences symbolistes.
Et l'exposition présente une belle sélection de toiles de Carl Moll, Koloman Moser et Gustav Klimt sur le thème du paysage sylvestre avec une identité de cadrage sur les troncs d'arbres.
Le temps de Klimt n'est pas fini quand, avec sa dernière exposition collective de 1908, s'achève celui de la Sécession viennoise sous la poussée de l'expressionnisme, avec notamment le bronze "Ecce Homo" de Anton Hanak, abordée dans la salle de clôture. |