Comédie inspirée de l'oeuvre de Eugène Labiche, mise en scène de Christoph Marthaler, avec Marc Bodnar, Carina Braunschmidt, Charlotte Clamens, Raphael Clamer, Catriona Guggenbühl, Ueli Jäggi, Graham F. Valentine et Nikola Weisse.
"Das Weisse wom Ei (Une île flottante)" mis en scène par Christoph Marthaler résulte d'une création collective avec ses comédiens-acolytes à partir d'une adaptation très libre d'un opus labichien, "La poudre aux yeux".
De cette pièce en un acte, qui épingle l'assaut de vanité auquel se livrent deux couples de petits bourgeois à l'occasion du projet de mariage de leur descendance, il ne reste que les personnages et quelques répliques.
Alors comment le spectacle peut-il durer près de deux heures trente ? C'est que, et les habitués de ses mises en scène ne seront pas étonnés, Christpoh Martaler, d'origine suisse, prend son temps et met les codes du vaudeville sous neuroleptique.
En effet, il orchestre une partition en forme de pantomime, comportant de parcimonieuses et incohérentes répliques, distillées en allemand ou en français sans souci de réelle cohérence et avec la scansion des méthodes d'apprentissage des langues, et, rompant avec ses habitudes, de rares intermèdes chantés, d'où leur précieux et jubilatoire caractère défoulatoire notamment quand le valet interprété par Graham F. Valentine, gardant son quant-à-lui, entonne une inénarrable chanson de Bobby Lapointe, "Le papa du papa".
Un appartement plein comme un oeuf d'un infâme bric-à-brac de bibelots et tableaux-croutes, scénographie signée par Anna Viebrock, parfois traversé d'un personnage surnuméraire qui délivre des "apartés" (Catriona Guggenbühl), sert de cadre aux brefs et vains échanges entre Monsieur Malingear (Marc Bodnar) médecin sans clientèle, Madame Malingear (Charlotte Clamens) son épouse persifleuse, leur fille crétine prénommée Emmeline (Carina Braunschmidt) et Monsieur Ratinois (Ueli Jäggi) confiseur à la retraite, Madame Ratinois (Nikola Weisse) et le futur benêt Frédéric (Raphael Clamer).
Il ne se passe rien dans un univers qui ressortit à une quatrième dimension en apesanteur où, à l'instar des animaux naturalisés qu'ils promènent sous le bras, les personnages sont déjà taxidermisés, confits, momifiés dans leur condition de petit bourgeois rances et conformistes. De la métaphysique du vide et de la bêtise.
Christoph Marthaler amalgame le non-sens ionescien, les gags clownesques, le burlesque du "slapstick", l'humour visuel à la Tati et et le comique troupier parfois le plus trivial, le docteur Malingear rivalisant avec le pétomane.
La recette est audacieuse et le résultat aurait été percutant sur un format court. Même si les comédiens, tous excellents,campent de succulentes caricatures, la formule, par sa récurrence, finit par être répétitive et peine à tenir vigile l'attention du spectateur.
Le sentiment de déception qui gagne est attisé par le final avec le procédé éculé de mise en scène où les acteurs démontent le décor. Ce n'est que partie remise. |