L’internationale
(Chapter Two / Wagram) septembre 2014
Une pochette assez étonnante. L’avantage est qu’elle attire l’œil. Pas forcément à bon escient. Une moscovite suffisamment enrobée pour que son maillot de bain disparaisse dans les plis de sa chair. A demi-nue dans la neige. A quatre pattes. Sur une plage enneigée.
A l’origine de Soviet Suprem, deux zigotos : R-Wan ("Lache l’affaire") et Toma Feterman ("T’as la touche manouch" de La Caravane Passe, un vrai cousin de "French Romance"). Deux touche-à-tout qui ont décidé d’associer leurs compétences et leur sens de l’humour (et si on faisait rimer Smirnoff avec Popopof ? Et jetlag avec Goulag ?) pour nous livrer ce concentré de bonne humeur et de traversées sur peau de bête à frisettes : L’internationale.
Des instruments qui tournent sur eux-mêmes, qui ondulent jusqu’à nous amener dans leur psychédélire de sons, à mi-chemin des entrechats de Bolchoï et des talonnades des buveurs de jus de racines fermentées. Mi-mélodieux, mi-percutant. Entre goulag et fourrure. Des sifflements hypnotiques des soirées tziganes, entre hystérie punk et massive dreling pour rondes à pompons (sirtaki casse-pipe).
Des cordes scintillantes de labadabadabdadaï, des instruments empruntés au folklore russe, des paroles chantées comme on les retient : entêtantes et mélangées de "Rongrakatikatong", toute en tutlute : "mais qui c’est qui qu’a tort, t’es tout dépité, depuis que ta tantine t’a quitté, tu veux tout buter, mai comme dit ton tonton, regarde au retour du bâton", "Qui danse kalimnka comme une alcaline" ("Bolchoï").
La crise athénienne vue par Soviet Suprem : "Mais mon péplum finit carpette, ruiné licencié, tout s’est effondré, on m’a jeté lâché rangé parmi les antiquités, fini l’odyssée, me voilà adossé au mur condamné seul à faire la mendicité, J’ai plus un kopeck pour me payer un grec, même plus un euro, je finis à poil sans poil dans un tonneau, je suis plus qu’un cloporte, une tragédie de Sophocle, j’fais l’cyclope du à porte pour te taxer une clope" en forme de sirtaki ("Ruiné comme Athènes").
Pavlov, l’armée rouge, le théâtre du Bolchoï, le goulag, la propagande, Staline et les kolkhozes, des Balkans au rideau de fer, toute la soviétie est abordée, malaxée, rimée et chanté par les deux intrépides audacieux de Soviet Suprem.
Derrière leur apparente superficialité dévergondée, les titres sont chacun une trouvaille d’arrangements mélodies-rythmes-paroles. Les mots sont choisis pour être musicaux, tout en gardant une signification. God save la rime ! Et disons-le comme ça vient : c’est bon. A donner des envies de bords de mer enneigés.
# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil
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