Je suis entré dans le bar et j'ai aperçu Jessie. Comment le rater, lui et sa tignasse exubérante : un corps félin moulé dans une combinaison rouge rayée de noir, cambré devant le flipper ? Jessie Chaton, un phénomène, une rock star comme il n'en existe plus beaucoup. Alors quand on m'a dit que le nouvel album de son groupe venait de sortir, j'ai voulu l'entendre.
Accoudé au comptoir, j'ai demandé à la barmaid : "Tu l'as, le dernier Fancy ?". Elle m'a dit : "Bien sûr, on l'écoute tous les jours depuis plusieurs semaines, les clients en sont dingues, et je peux te dire que certains soirs, ça danse sur le zinc".
Je me suis approché de Jessie et je lui ai demandé si ça le gênait qu'on écoute sa musique : "On se fait un petit Fancy, là, tous les deux ?". Il venait juste de claquer une partie gratuite, donc il a accepté d'un "yeah" suraigu et sauvage. Let's go crazy ! Un son de synthé dans le flanger façon Retour vers le futur et je me retrouve presque dans Flashdance, ou Flash Gordon, enfin... un truc qui flashe, sans relâche.
"Fancy Nation" ouvre le bocal à bonbons acidulés, coup de speed et coup de fouet, ça promet. Jessie est ravi de constater que ça me plaît, tout en faisant cogner sa bille contre des bumpers ornementés de logos KISS. "Don't stop rockin'", m'annonce t-il en visant une cible, ou plutôt un target, au son d'une guitare heavy rock à faire secouer de la chevelure ondulée - ce que ne manque pas de faire la bande de barbus tatoués près de la pompe à bière. Je me parfume la moustache au houblon quand le funky beat de "Shock me" ordonne à mon corps de bouger comme un nain pourpre. "T'es déjà allé à Minneapolis, beau gosse ?", me demande la barmaid sapée comme dans Miami Vice. Je lui promets de l'y emmener, tout en me frottant les fesses contre le bord du billard. Sans retenue, je chante ce refrain addictif comme une petite pute... de luxe, restons fancy.
Je pensais avoir été suffisamment grossier du bassin, mais "69" me poussa encore plus loin, je ne vais pas te faire un dessin. Lève-toi, monte dessus, mets ton sexe dans la machine. "C'est un hit !", hurlais-je au moment où Jessie fit Tilt. Alors il me rejoint, puis m'expliqua que son père jouait de la musique, et sa mère chantait du rock n' roll. Un héritage qui lui permit un jour d'accéder au titre de "Star of the Month", dans ce bar où il est désormais la mascotte, en quelque sorte. "Tiens, regarde, je vais te montrer un truc", et avec une dizaine de clients complices, il entama une impressionnante chorégraphie sur "Flesh Reflex", chanson qui ferait lever les bras à n'importe quel coincé du bulbe. La Fancy Machine fonctionne à plein tube. "All night long", comme dirait Lionel.
Je pioche dans le bocal à sucreries et j'en sors des paquets de "The only one" et "My girlfriend", aussi fizzy et poppy que des Coke en bouteille. Ca nous a surexcités, alors Jessie me proposa d'aller toucher l'Extra Ball. Je lui dit : "Désolé, mec, mais j'ai promis à la serveuse de l'emmener sur la West Coast.
Plan large sur la sortie du troquet, générique, american pop music, tempo rapide, sirène de police et choeurs virils : c'est "Hollywood now". La lumière revient déjà, et le film est terminé, je réveille mon voisin et lui dis d'acheter la B.O. de ce super star movie : Fancy Machine.
Avec la mort de Lynch, c'est un pan entier de la pop culture qui disparait, comme ça, sans crier gare. Il reste de toute façon sa filmographie qui n'a pas attendu sa mort pour être essentielle. Pour le reste, voici le sommaire. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !