A l'occasion du bicentenaire du dernier séjour de Napoléon en ses murs, le Château de Malmaison se met à l'heure américaine ce qui ne manque de susciter la curiosité même chez ceux dotés d'une solide culture générale classique.
En effet, l'exposition "Cap sur l'Amérique - La dernière utopie de Napoléon"
est consacrée à un épisode sans doute, hormis les fervents napoléoniens, ignoré du grand public, qui se situe entre la défaite de Waterloo et la déportation sur l'île de Sainte-Hélène, celui du projet d'expatriation en Amérique de l'empereur déchu.
Les commissaires Isabelle Tamisier-Vétois et Christophe Pincemaille, respectivement conservateur en chef et chargé d’études documentaires principal au musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, ont entrepris de raconter cette "utopie" qui, si elle ne s'est pas concrétisée, a cependant monopolisé beaucoup d'énergies.
Le rêve américain de Napoléon
Après enquête minutieuse et exploration des archives et réserves, les commissaires ont
réuni une centaine d'oeuvres, objets et documents qui illustrent les préliminaires de cette utopie.
Réfugié quelques jours à la Malmaison, symbole des jours heureux avec Joséphine, l'empereur déchu envisage une reconversion radicale au pays du Nouveau Monde : le militaire veut embrasser la carrière scientifique pour, indique-t-il, pour étudier "tous les grands phénomènes de la physique du globe" et "faire une nouvelle carrière, laisser des travaux, des découvertes dignes de moi".
Pour cet exil sous couvert d'expatriation honorable, il n'envisage pas de voyager léger et incognito mais en grande pompe, "avec armes et bagages" selon l'expression consacrée.
Ainsi demande-t-il un passeport officiel auprès des autorités britanniques et
deux frégates sont affrétées en rade de Rochefort par le gouvernement provisoire pour le transport d'un véritable "palais en exil".
Car Napoléon ne part pas avec sa seule "petite" cantine de campagne
avec meubles pliants fabriqués par le réputé ébéniste, et fournisseur impérial, Jacob-Desmalter, effets personnels et portraits de famille.
En premier lieu, doit être embarqué tout l'équipement du parfait petit explorateur, qui sera accompagné par l'astro-physicien François Arago.
Et, outre des cartes topographiques des Etats-Unis et moult instruments, de nombreux ouvrages scientifiques puisés dans les bibliothèques nationales.
Tout comme il est puisé largement dans le patrimoine national pour prélever le mobilier, la vaisselle et tout le nécessaire pour équiper somptueusement deux résidences américaines.
Si la logistique est du ressort du général comte Henri Bertrand, grand maréchal du palais, l'intendance domestique est confiée à Louis-Joseph Marchand, le fidèle premier valet de chambre de l’Empereur.
Celui-ci s'occupe du recensement des ensembles tant du linge de maison, que de la totalité de l'argenterie du Palais des Tuileries et du Palais de l'Elysée et des services de table en porcelaine de Sèvres.
Dont le "Cabaret égyptien", service de petit déjeuner orné de vues reproduisant les planches de l'ouvrage "Voyage dans la Basse et Haute-Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte" de Dominique Vivant-Denon, et le service dit "des quartiers généraux" ornées de scènes représentant les glorieuses campagnes impériales.
Sont également évoqués les Nord-amérindiens dans l’imaginaire français, les relations franco-américaines et la communauté des exilés français, à commencer par Joseph Bonaparte, qui, malgré les premières vicissitudes de leurs entreprises agricoles économiques et bien loin des conspirations bonapartistes présumées, y établissent ou confortent leur fortune. Par ailleurs, le visiteur pourra redécouvrir l'ensemble du château, destination idéale des week-ends printaniers et estivaux, dans lequel la chambre de l’Empereur est restituée dans son état historique et conclure sa journée par une promenade dans l'immense parc dont les parterres se parent de plantes américaines. |