Karimouche a fait paraître son second album près de cinq ans après le premier. Action, le bien nommé, poursuit dans la veine entamée avec Emballage d'origine mais en repoussant les limites et les murs. La gouaille du premier album est toujours là. Certains la comparaient à Fréhel, d'autres à Zaz, voire à Carmen Maria Vega, ça dépendait des oreilles et des références. Sur Action, c'est certainement aussi du côté de Rachid Taha qu'il va falloir aller creuser cette fois-ci.
On retrouve des rythmes et des thèmes qui rapprochent Karimouche de Zebda, une affaire de famille artistique tout au moins, mais les boucles techno de Rachid Taha, son orientalisme, ne sont pas loin non plus. La jeune femme porte l'ambition d'une chanson française métissée de seconde ou de troisième génération mais sans exagération. Entre toc oriental clinquant par ici, sophistication Arletty bourgeois bohème par là, main de fatma en or d'un côté et casquette de gavroche de l'autre, ses mélodies nourries aux rythmiques électroniques et à la human beatbox autant qu'à l'accordéon, portent l'ambition d'une chanson française qui regarde dans toutes les directions à la fois, avec le risque de sonner trop vieillot pour certains, trop rap pour d'autres. Carima assume complètement d'avoir le cul entre deux chaises parce que c'est sa force. A la production, Lionel Suarez s'adapte à cet univers et donne une cohérence à l'album.
Karimouche n'est pas exactement le genre d'artistes qu'on oublie juste après l'avoir vu. Sur scène au Pan Piper, au début de sa tournée, on l'a sentie un peu tendue au début, mais très vite elle a repris le manche, voire le guidon pourrait-on dire au sens propre sur "La tête dans le guidon". Le duo avec Mouss de Zebda sur "Princes et princesses" et avec Lionel Suarez à l'accordéon montrent que Karimouche, même si le projet reste solo, est une histoire qui se nourrit aux rencontres et à l'amitié. La présence du fidèle Kosh - extraordinaire ! - à la human beatbox et aux sons divers soutient le concert du début à la fin.
Karimouche a donc fait paraître un excellent album, épicé et doux-amer, complètement en phase avec son époque, qu'elle défend avec une bonne dose d'énergie, et pas mal d'humour. Artiste de scène au service de ses chansons irrévérencieuces et politiques, Karimouche s'impose comme une des valeurs sûres de l'année 2015.
Chez Froggy's on préfère les chanteurs peints en bleu que les présidents peints en orange. Mais comme on n'y peut rien, il ne reste qu'à attendre et lutter avec les moyens du bord: la culture. C'est parti pour le programme de la semaine.