Spectacle d'après le scénario du film éponyme de Eric Rohmer conçu par le Collectif Colette, avec Carine Goron, Lucas Hérault, Marion Morvan, Blaise Pettebone, Nelly Pulicani et Maxime Taffanel.
Avant toutes choses, et avant bien des réserves, il faut remercier le Collectif Colette d'avoir eu envie de rendre hommage à Eric Rohmer, l'un des créateurs français les plus importants du siècle dernier.
Cela dit, Laurent Cogez, qui a assuré la mise en scène du spectacle "Pauline à la plage", adapté du scénario publié du film de Rohmer, s'est attelé à une tache certainement trop lourde pour ses épaules.
Même s'il est plein de bonne volonté, le travail de Laurent Cogez est bourré de contresens. On ne s'acharnera pas mais on donnera deux exemples qui aboutissent à réduire l'oeuvre de Rohmer à l'anecdote.
D'abord, dans ce film, plus encore que dans les autres "Contes et proverbes", Rohmer a soigné les différences d'âge. Pauline, le rôle titre, était jouée par Amanda Langlet, une toute jeune fille et sa cousine, Marion, par Arielle Dombasle, qui, même si son âge est un secret d'état bien gardé, avoisinait largement les 25 ans en 1982. Henri, l'aventurier baroudeur qui la fait chavirer, en a une bonne dizaine de plus.
Dans la pièce, tout le monde a grosso modo le même âge. Il est alors impossible de comprendre les enjeux moraux et psychologiques qui se cachent derrière ses différences d'âge. Si dans la subtile combinatoire amoureuse décrite ici par Rohmer, telle chose fonctionne et pas telle autre, c'est aussi à cause des rapports d'âge.
Par ailleurs, Laurent Cogez a cru nécessaire de rajouter un prologue où, Pierre, derrière ce qui est censé être sa planche à voile, à l'aide d'un feutre, explique l'histoire physique de la Terre et ses rapports avec l'amour. Utiliser ainsi Pierre, qui rate Marion parce qu'il ne sait pas parler, est un contresens qui donne à penser qu'il est du côté du verbe alors qu'au contraire, c'est là sa faille.
Evidemment, on risque aussi de trouver que les personnages truculents du film sont devenus fades, comme celui de Louisette, la marchande de bonbons qui permettait à Rosette de faire une composition inoubliable. Pareillement, si Carine Goron est d'une beauté égale à celle d'Arielle Dombasle, elle ne peut pas rivaliser en "burlesque involontaire " et son personnage s'en ressent.
On pourra objecter qu'il va y avoir forcément, hélas, beaucoup de spectateurs qui, ne connaissant par le film de Rohmer, regarderont cette version pour ce qu'elle est, hors de toute comparaison.
Dans ce cas, il n'est pas sûr qu'ils puissent tout comprendre car Rohmer, quoi que certains en pensent, n'explique pas tout par le texte. Chez lui, l'image est d'une grande importance, notamment pour l'intrigue. Or, Laurent Cogez, par exemple dans la scène cruciale où Pierre croit voir le jeune Sylvain coucher avec Louisette, fait tout passer par le dialogue, là où dans le film le spectateur savait la vérité par l'image. Il n'est pas certain qu'ici, il saisisse tout.
Une fois encore, "Pauline a la plage" tombe dans le biais rédhibitoire de l'adaptation d'un film en pièce qui consiste non pas à adapter le scénario, base du film, mais la retranscription plan par plan de celui-ci. Dans l'Avant-Scène, est reproduit ce qu'il y a l'écran, pas ce qui était écrit qu'il y aurait dans le scénario, étape d'avant-tournage.
Si c'était le scénario de "Pauline" qu'avait adapté Laurent Cogez, il aurait dû se poser d'autres questions, et surtout des "questions théâtrales", retrouvant là des libertés et non plus des contraintes, qui l'obligent à faire des choix illogiques, comme de faire parfois parler alignés ses comédiens.
C'est dommage, car, même sans plage, sans la fraîcheur d'Amanda Langlet et la candeur d'Arielle Dombasle, quand les cinq acteurs disent les mots de Rohmer, survient quelque chose. L'esprit de ce grand créateur, pas encore reconnu à sa juste postérité, les irradie au point qu'ils parviennent, presque malgré eux, à transmettre alors un peu de sa foi aigüe en la beauté du monde. |