Monologue dramatique écrit par Pascal Rambert et dit par Arnaud Nauzyciel dans une mise en espace de l'auteur.

In abstracto, écrit dans la forme monologale du flux de pensée, "De mes propres mains" de Pascal Rambert se développe en soliloques autodestructeurs et agressifs contre le monde.

Ultime introspection ou réminiscences attributs de la mort imminente, ils évoquent une singulière hybridation entre la lucidité de l'intime des récits lagarciens et les volcaniques imprécations bernhardiennes.

In concreto, ces dernières minutes avant le néant, télescopage tumultueux de ressassements concaténatoires de souvenirs, d'émotions et réflexions d'un homme qui va délibérément couper le fil de sa vie sont magistralement dispensées par Arnaud Nauzyciel sous la direction de l'auteur.

Rarement une parole, une voix, une vie, une douleur sont incarnées et délivrées avec une telle intensité dramatique. Immobile et très concentré, Arnaud Nauzyciel, yeux clos, pieds nus plantés fermement sur le sol, humble silhouette qui, sous la lumière blanche et implacable de Yves Godin, investit le volume imposant de la scène du Théâtre des Bouffes du Nord qui est aspiré par la force entropique du verbe qu'il incarne.

Arnaud Nauzyciel délivre une performance magistrale, car portée par la maîtrise d'une technique sans faille du souffle et de la diction, sans autre recours que l'inspir pour tenir la note unique de la situation et l'enchainement ininterrompu et néanmoins parfaitement intelligible, des phrases, logorrhée jaillissante qui traduit une déferlante mentale délivrée de manière organique et vitale.

Cette humanité dépouillée jusqu'à l'os, les dernières lueurs d'une conscience, d'une vie, d'une âme, sans que rien ni personne ne puisse freiner la chute durant ce cri, proféré ou muet, sidère, bouleverse et serre la gorge comme il crucifie le coeur.

Pour l'officiant, funambule immobile au-dessus du gouffre qui l'aspire, cet exercice parfaitement maîtrisé, sans aucune concession ni au numéro d'acteur ni à l'effet scénique, s'avère également une épreuve physique et émotionnelle de laquelle il sort épuisé et chancelant. De l'Art et de l'Humanité.