Canicule, mon amour.
Elle a bien du courage, Jeanne Added, de jouer à 16h45 pour cette deuxième journée des Eurocks. Parce qu’il fait chaud et beau – contrepèterie et pléonasme. Mais après quelques notes seulement, le public se masse, s’entasse en dépit de la violence (climatique) du moment. Inévitablement moins puissant et moins fascinant qu’en intérieur et de nuit (parole de celle qui l’a vue au Printemps de Bourges), le set de Jeanne Added, véritable phénomène musical de ces derniers mois, ne démérite pas. Les titres de son album Be Sensational s’enchaînent très naturellement, et Jeanne Added, toujours aussi discrètement torturée sur scène, ne cesse, les yeux au loin, d’envisager la foule avec noirceur et émotion. Un très beau moment.
On évitera d’aborder Oscar & the Wolf ici : programmé plus tard et sur une autre scène, sans doute, cela aurait-il eu une force différente. Là, le live tombe clairement à l’eau (ce qui un jour de canicule, vous l’avouerez, est un comble) – la mollesse abrutissant la chaleur...
Le défi suivant est de taille : découvrir Ibeyi et revoir Mina Tindle, qui passent en même temps... Sur deux scènes différentes.
Ibeyi est un duo étonnant, composé des filles jumelles de Anga Diaz, ancien des Buena Vista Social Club. Deux voix entêtantes, duo de choc et de charme, musique harmonieuse et puissante : voici un résumé rapide et insatisfaisant des possibles de ce jeune groupe. Quand Lisa s’installe au piano, Naomi s’empare du cajón ou d’un petit pad de contrôle Akai pour électroniser tout cela. Doux, juste, original et dépaysant. A voir absolument.
On court écouter Mina Tindle, qui a admirablement évolué depuis notre dernière fois... En février 2012. Elle est désormais accompagné de trois musiciens bien présents, scéniquement et musicalement, et ses morceaux ont pris, de fait, une belle ampleur électrique – pop énergique, tendance disco parfois, voix toujours aussi unique, fine et "feist" ! La belle, qui a une histoire particulière avec les Eurockéennes, arborera tout le set un sourire largement euphorique.
Seasick Steve : un jeune mythe vivant (repéré il y a seulement quelques années par Jack White) qu’il me tarde de voir – bon, oui, j’avoue, je l’ai croisé la veille, et je n’ai pas osé l’approcher, en bonne midinette que je suis. Le bonhomme (74 ans !) arrive sur scène en buvant une bouteille de rouge au goulot, et est habillé comme un père Noël amaigri reconverti en mécano. Incroyable show du bluesman, complètement en osmose avec son batteur tout aussi déchaîné. Il nous présente sa (fameuse) guitare à une corde, flanquée à l’arrière d’une plaque du Mississipi. C’est brut, sauvage, et complètement enivrant : la première belle découverte du festival pour ma part...
Et cela va continuer avec The Bawdies (oh oui, j’assume avoir déserté Angus et Julia Stone). Quatre Japonais débarquent en vestes de costume gris, sourires béats aux lèvres, chevelure très "Beatles" au vent, pour jouer du rock vintage tendance garage comme on n’en fait plus, c’est-à-dire avec une énergie toute primitive et... totalement juvénile. Ça saute partout, et c’est merveilleux !
Les quadra et quinqua-génaires ont les yeux qui s’illuminent : Étienne Daho entre sur scène. Je respecte l’homme et sa carrière aussi ne ferai-je aucun commentaire sur son set, qui a, on l’espère, plu à ses fans.
Dans la mesure où la Loggia semble particulièrement bien lunée aujourd’hui, je tente de nouveau un groupe d’origine japonaise et basé à Londres... Encore une fois : je fais mouche (tant pis pour "Christine qui couine" comme l’appellent certaines mauvaises langues, Christine qui, soit dit en passant, aurait bien mérité la Grande scène au vu de son infini public). Les Bo Ningen arrivent donc dans une ambiance lumineuse rouge et noire, tout de cheveux longs vêtus – ou presque. Leur acid punk est sale à souhait (mais pas univoque, puisque des accents glam, gothic, stoner et darkwave – oui, rien que ça – se donnent parfois à entendre avec joie), les morceaux tantôt déstructurés tantôt lancinants laissent bouche bée et la voix stridente du leader est une griffe musicale précieuse. Une belle claque et la troisième superbe découverte du jour.
Alors, autant finir la soirée par du grand n’importe quoi.
En mal : Major Lazer et sa fête foraine géante (on envoie des bonbons, des t-shirts, du gaz carbonique, des filaments de papier dans des canons géants...) m’ont laissée de marbre (comment peut-on... ?) – contrairement au public littéralement déchaîné par ce show ridicule, médiocre (que de mauvaises reprises !) et fatigant (boom boom boom ad libitum). On reste donc fort étonné que Christine and The Queens – diva de l’exigence scénique et textuelle – ait accepté de faire une apparition sur "Lean on"...
En bien : Foxygen ! Tout commence par une gageure : arriver par le public quand on est leader, c’est l’assurance de se faire empoigner (et presque sortir !) par les mecs de la sécurité... qui avaient pourtant été prévenus de la supercherie. Le rock psychédélique dispensé par Foxygen est frais et lourd à la fois, vintage et actuel, tenu d’une main de maître par Sam France, poupée de chiffon dégingandée mais tellement classe. Moralité : Foxyden and Star Power tourne en boucle depuis mon retour. La peine est grande de savoir que Foxygen se disloquera, selon ses dires, à la fin de cette tournée.
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