Des nuages de poussière balaient le Malsaucy d’un souffle cinglant. Orages en vue.
Néanmoins, le chanteur de Songhoy Blues, Aliou Touré, rappelle (avec une ironie certaine) que, comparé au désert malien, la canicule belfortaine reste... tout à fait supportable. En quelques titres, ce groupe atypique à l’historique géopolitiquement troublant (leur premier album se nomme Music in Exile) mêle les genres et les continents, du blues au rock en passant par la musique traditionnelle africaine avec force sourire et conviction. Ouverture... si j’ose dire rafraîchissante autant que pertinente. Et ceux qui douteraient du talent de ces quatre musiciens ou qui avanceraient que l’effet "musique du monde qui donne bonne conscience" est en marche ici n’ont qu’à rechercher les noms des musiciens illustres qui les accompagnent et les produisent...
Grand écart musical net et sans appel : on passe du déhanchement sombre de la Greenroom au cri rauque et perçant de la Grande scène. Parkway Drive, où l’un des trois seuls groupes de métal de cette programmation. Ne jouant pas dans la cour des poseurs et des incontournables cheveux longs et défaits (headbang powaaa), les Australiens ont même un petit quelque chose du gendre poli bien sous tous rapports – version hardcore, tout de même. Leader souriant (et visiblement ému lorsque son public hurle "Wild Eyes" pour l’accueillir comme il se doit), Winston Mc Call déconcerte doublement, et par le naturel salvateur de son attitude sur scène et par la qualité de son chant. Un bon concert, donc, sain, généreux et juste.
OVNI musical de cette journée, Batida place la Greenroom sous le signe de l’éclectisme (électro kuduro !) et de l’interculturalité / transcontinentalité assumée.
Casquette vissée sur la tête, Pedro Coquenão, mi-angolais, mi-portugais, manipule ses drôles d’instruments accompagné d’un danseur exceptionnel et drolatique et d’une chanteuse / choriste à la présence indéniable – qualité rare.
Mêlant samples électroniques et "dance music" angolaise (le fameux "kuduro"), Batida (qui a fait certaines premières parties de Stromae en 2014), reste un groupe intéressant car intrigant – mais, paradoxalement, un peu "froid". Pour les curieux, les ouverts d’esprit et les amateurs de spécial exclusivement.
On s’accorde le droit de ne pas aller voir le fils de Bob Marley sur la Grande scène, ni de courir pour atteindre Kevin Gates sur la Plage : mon cœur bat pour Jesse Hughes, et aucune autre musique ne peut entrer en compte pour l’instant.
Lorsque le leader des Eagles of Death Metal entre sur scène, j’ai malheureusement une impression de déjà-vu – qui se transformera, après quelques titres, en un amer sentiment de moins bien. Autour de moi, pourtant, les avis sont unanimes : quel show ! Mais c’est sans compter le fait qu’en 2012, au festival du Cabaret vert, ils étaient... bien meilleurs, voire excellents. La faute au temps, à la scène, au public, à l’humeur ? Ce qui semble spontané et naturel à ceux qui le voient pour la première fois n’est en réalité que la répétition malheureusement rodée d’attitudes tristement pensées. "Only want you" est massacrée, Jesse Hughes a visiblement quelques problèmes avec sa guitare, et la balance ne met pas sa voix à l’honneur. Bref, une petite déception pour ma part.
Il n’est pas nécessaire d’être fan de Die Antwoord pour apprécier malgré tout leur univers déjanté. Le film Chappie, sorti en 2015 et dont Ninja et Yo-Landi Vi$$er sont les protagonistes, a prouvé qu’ils avaient plus d’une corde à leur arc et que le grand n’importe quoi pouvait aussi être au service de la réflexion.
De DJ Hi-Tek masqué en singe, à l’écran géant faisant défiler d’énormes... phallus en éruption – façon dessin animé, quand même –, à l’irruption tonitruante des deux chanteurs déguisés en... Pikachu ou Gloomy Bear, tout est fait pour choquer les uns ou faire rire les autres.
Cohérent musicalement, esthétiquement et scéniquement, Die Antwoord, avec son électro hip-hop farfelue, a été le groupe idéal pour sortir en beauté de ces Eurocks 2015...
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