Débarquer « in media res » aux Vieilles Charrues reste une expérience singulière. Un festivalier passablement éméché (il est 15 heures) s’est improvisé agent de la circulation à un carrefour du centre-ville. La scène est assez cocasse, et les automobilistes amusés se laissent guider par cet énergumène. Les choses se compliquent quand les forces de l’ordre arrivent, mais tout se passe dans une relative bonne humeur.
Pour les festivaliers présents depuis jeudi, la fatigue se lit sur les visages et le fameux crachin breton (entendez par là une bonne averse) n’arrange rien. Malgré le temps incertain 250000 spectateurs se sont rendus sur le site de Kerampuilh pour cette nouvelle édition du festival. Le jeudi, Muse a visiblement fait carton plein avec ses hymnes pompiers et ses effets pyrotechniques. Un seul regret, avoir raté les Chemical Brothers le vendredi soir mais il y aura visiblement de quoi se rattraper aujourd’hui avec les anciennes gloires electro-punk de The Prodigy.
L’on passera rapidement sur l’inoffensif George Ezra avec sa gueule d’ange et sa pop pour chatons. George est poli, bien élevé et rassurant pour les parents des jeunes groupies massées aux premiers rangs. La suite s’annonce un peu plus engageante avec Tony Allen qui s’est offert un casting de luxe (Damon Albarn, Oxmo Puccino) pour ce concert des Vieilles Charrues.
Seule déception, le chanteur de Blur ne restera que pour deux morceaux. Point de reprise de Gorillaz comme cela avait été le cas quelques jours plus tôt. Il faut dire que Damon doit filer dare-dare au festival de Benicassim où il joue avec Blur le soir même. La prestation du vétéran afro-beat aura tout de même mis un peu de soleil dans la grisaille carhaisienne.
Lorsque Calogero débarque sur la scène Glenmor, c’est encore une histoire de filles aux premiers rangs. Un peu moins jeunes que pour George Ezra, mais aussi admiratives face aux mouvements du bassiste dégarni. Calo enchaine les tubes et il faut reconnaître que l’ensemble du concert est bien maîtrisé et carré.
Quand les Strypes investissent la scène Kerouac on se dit qu’on peut être résolument optimiste. Des Anglais en costume trois pièces chers aux mods, coupes Beatles, lunettes noires, attitude de branleurs. Visiblement, les Strypes ont la panoplie intégrale pour faire le rock qui va avec. C’est le cas. Les Britanniques ont sorti le public breton de sa léthargie avec ses morceaux nerveux et enlevés.
Qu’attendre de Prodigy en 2015 ? Retrouver un peu de notre jeunesse passée ? Faire son vieux con auprès des lycéens de 2015 fans de Shaka Ponk ? Les papis électro-punk commencent assez fort avec l’imparable breathe qui, quasi 20 ans après, donne toujours autant de bouger de manière frénétique. La suite du concert sera plus anecdotique : le tatapoum anachonique (la drum and bass, c’st sooooo 1997 mec) et les « motherfucka » auront raison de notre patience et l’occasion d’aller boire des bières sera trop tentante. La fin de soirée, placée sous le signe des BPM, se terminera par des déhanchements alcoolisés sur le mix de Fritz Kalkbrenner… A cette heure heure-ci, peu importe le flacon…
Un dimanche pluvieux et un gueule de bois tenace, on a vu mieux pour commencer une longue journée de festival. Surtout quand on arrive en plein début du concert de Brigitte… Rien n’a bougé depuis leur passage quelques années sur cette même scène. Robes paillettes, paroles cul-cul la praline, commentaires neuneus entre les chansons. Seuls quelques arrangements bien sentis sauvent les deux chanteuses pour bobos du 11ème.
Dominique A délivre un set impeccable de maîtrise. Les lumineuses compositions d’Eleor côtoient les classiques (une superbe reprise du courage des oiseaux) du natif de Provins qui a réussi à me faire oublier ma gueule de bois. Joan Baez se la joue couleur locale en forçant un peu sur le régionalisme : marinière et reprise de Tri Martolod en breton…
Les quinquas et sexagénaires sont aux anges mais ma gueule de bois redouble, tout comme la pluie. Le choix entre London Grammar et les Drums sera rapide : entre la pop ensoleillée des New Yorkais et l’électro neurasthénique des Anglais, le choix sera vite fait. Jonathan Pierce et ses petits mignons sont au top. Alors que le chanteur des Drums entame Let’s go surfing, il tombe des hallebardes mais les dix premiers rangs s’en fichent royalement et tout le monde saute dans tous les sens. Pas de Hello, is it me you’re looking for ? pour moi… Mon mal de tête, la pluie et la perspective d’aller écouter un chanteur à moustache sur le retour auront raison de ma patience.
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