Des douleurs de la vie à ses bonheurs les plus éclatants, de la perfection dans l’inattendu à l’angoisse du changement, de ce petit pincement aux grands airs de trompette, c’est un peu tout ça et encore plus que nous conte Nicolas Delesalle dans Un parfum d’herbe coupée.
Ni roman autobiographique, ni journal intime, le roman nous emmène dans les souvenirs de Kolia, jeune garçon sensible et attachant. Un brin plus personnel que les autres nouvelles de Nicolas Delesalle, l’auteur (narrateur ?). Sans mièvrerie, avec la retenue que savent garder les grands conteurs pour nous faire partager leurs souvenirs les plus tendres, l’auteur nous conduit dans des épisodes de la vie d’un jeune homme de notre siècle.
Ça m’étonnerait franchement que vous ne vous reconnaissiez pas dans l’un ou l’autre des passages. De la perte de son animal de compagnie, d’un professeur moins ennuyeux que les autres, de l’ennui d’un job d’été, d’une insaisissable amourette, ce sont des extraits de nos vies que vit Kolia. Et c’est là que l’auteur touche au cœur, c’est que son personnage principal disparait à notre profit, c’est de nous, de moi qu’il parle, et non d’un inconnu habitant ailleurs qu’ici.
De la poésie douce et nostalgique, avec de l’espoir et des mots en fleur. D’une plume fluide et légère, il n’est pas donné à tout le monde de poser les bons mots sur ces histoires. A ceux qui auraient le sarcasme d’y reprocher le manque de fil conducteur, je leur demanderai de me raconter un souvenir, rien qu’un seul, même un tout petit, même un très dôle, voire un tout triste, et d’y mettre autant de sensibilité, d’en décrire aussi bien les faits que les couleurs et les odeurs.
Ils sont peu les auteurs à réussir à raconter les saveurs, les bruits et les odeurs, le fourmillement dans les jambes, les cloches qui sonnent au creux du ventre, la nausée qui remonte par le nez, les tremblements essentiels de nos cœurs, les plumes qui volètent dans l’estomac et la course sous la pluie. Tant de ressentis qui ne peuvent pas laisser les lecteurs indifférents.
Si, forcément, si vous vous attendiez à un thriller monté comme un taureau, avec de l’hémoglobine et des inspecteurs graveleux, vous serez très certainement déçus. Mais si vous considérez qu’une douce tranche de vie se partage avec un café-caramel et des fondants-croustillants, ce roman est pour vous.
Sur une plage ou sous un parapluie, en attendant votre tour au guichet, en écoutant grésiller les merguez, en humant l’iode au monoï, en séchant vos cheveux… Prenez-en une gorgée, une bouchée, une brassée, c’est bon et ça ne fait pas grossir. Oh miam.
Plonger la main dans un sac de graines, manger Mes tomates de Mon jardin, regarder Chaton dormir, m’engueuler (et me réconcilier) avec ma sœurette, partager ce fameux croustillant, regarder l’orage ensemble… ce roman vous donnera des envies de listes de belles choses que vous avez accomplies. Fini la course au chiffre et au bonheur à tout prix, il est là, vous le toucherez du doigt en regardant ce que vous savez déjà accomplir. Et franchement, c’est bon. |