Tout vient à point.
On arrive sur site alors que Brothers a déjà bien entamé son set. Ça a l’air beau et triste comme du Sean Lennon, d’ailleurs c’est gentiment rock comme les Beatles, ça berce les amoureux et ça chante plutôt juste. Mais c’est surtout Drenge qui m’intéresse, puisque le grunge, c’est la vie. Et ça passe comme une lettre à la poste : les petits jeunes n’innovent pas forcément en terme de compositions, mais tiennent tout à fait la route rock. Belle découverte.
Évidemment, les Muddy Jack font bien pâle figure juste après ce show bien pro. Le chanteur a bien quelque chose dans la voix, les musiciens ont beau dépenser toute l’énergie possible et inimaginable, ça fait penser à du sous-Nirvana, et forcément, ça déçoit. On est aussi assez agacé par les mauvais lancers de petits culottes de groupies de la première heure – ramassée avec une patience folle par le mec de la sécurité. Ça fait rock’n’roll, sans doute...
Imaginez l’hystérie collective lorsque le bouclé et bronzé John fait son apparition sur scène. Les John Butler Trio ont une superbe complicité sur scène, et un talent qui n’est plus à démontrer. C’est hyper bien calé, la setlist est bien équilibrée : ça passe de la country surexcitée au blues plus posé, en passant par un rock raisonnablement pêchu. Virtuose, sans doute... Ennuyeux, quelque peu.
On culpabilise de ne pas avoir donné de seconde chance à Rouge Congo – qu’on avait vu au Printemps de Bourges sans vraiment accrocher. On écoute de loin, et on se dit : bon peut-être qu’on aurait dû – puisque le style et le set collent bien avec l’ambiance solaire du festival... On en fait donc une musique d’ambiance sympatoche pour l’apéro au VIP, on revient sur ses impressions premières (parfois mauvaises, comme quoi) et on se promet de faire un effort la prochaine fois.
Voilà la bonne claque du jour : Jungle. J’avais vu passer le dernier clip du groupe ces derniers mois, en écoutant d’une demi-oreille. Là, je découvre un vrai groupe soucieux de bien faire, très pro, et avide de produire le son parfait – nervosité flagrante de Tom Mc Farland en tête. Totalement festif, groovy, soul et vintage, ça passe parfaitement en cette fin de journée.
Avouons d’emblée que la présentation d’Algiers – rock expérimental – me faisait un peu peur. Je découvre ici, entre deux nuages de fumée artificielle (la grande mode de ces quatre jours au Cabaret vert), un chanteur de grand talent aux intonations gospel confondantes et un son très intéressant, qui, certes, repousse les limites du genre rock et flirte avec le rock fusion, mais ne déstructure pas la musique au point d’être inécoutable. Ça reste du rock mais trituré dans les tous les sens, instrument par instrument. Complexe mais bien pensé.
Ça doit être mon côté midinette, mais j’aime bien Selah Sue. D’abord, parce qu’hors scène, elle est totalement abordable et souriante. Ensuite parce que, sur scène, elle donne tout et présente ses musiciens dès le quatrième morceau. Enfin, parce que, en dépit de ses affinités musicales et de sa notoriété fulgurante et commerciale, elle possède quand même une voix à couper le souffle.
J’apprécie chez Rone autant son électro complexe que l’univers dans laquelle elle s’inscrit – de la gestion de la lumière lors de son set à la qualité de l’animation qui l’auréole. Perché derrière son vaisseau, Rone cache bien son jeu, si l’on confronte sa trogne et sa bio – en terme de recherches musicales et de collaborations. On pourrait presque penser qu’il s’agit d’une électro pour intello, puisque pétrie d’influences pointues : mais l’aspect autant écoutable que supportable de sa musique porte à croire qu’il y a chez Rone une volonté de fédérer et de toucher, autant que d’expérimenter.
Et voici enfin le concert tant attendu, tant espéré, peut-être parce que je pensais y retrouver une seconde jeunesse et des souvenirs à la pelle... Entrée sur scène sur une petite musique d’Ennio Morricone, Wes Borland toujours aussi grimé et Fred Durst désormais barbu et bien caché derrière lunettes et sous capuche. Mais je m’aperçois que les Limp Bizkit, bien qu’inchangés, ne sont presque plus de mon âge, tout en produisant un set ultra bien mené – on passe sur la Marseillaise – avec une setlist qui n’oublie en rien les classiques de "Break Stuff" à "My Generation", en passant par une reprise de "Killing in the name" de RATM. Hop, un mythe de plus à mon actif, donc. |