Comédie dramatique de Lars Norén, mise en scène Marcial Di Fonzo Bo, avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Marina Foïs et Gaspard Ulliel.
Les spectateurs qui connaissent l'oeuvre de Lars Norén et ont vu son opus "Démons" dans la mise en scène de Thomas Ostermeier, ("Dämonen" à l'affiche du Théâtre National de l'Odéon en 2010) resteront sans doute prostrés dans l'état de sidération que provoque la proposition de Marcial Di Fonzo Bo.
Les autres associeront sans doute le nom du dramaturge suédois au théâtre de boulevard puisque suscitant les rires. Or "Démons", variante scandinave du "Qui a peur de Virginia Woolf ?" de Edward Albee et mise en abyme de "La danse de mort" de August Strinberg sur le thème du couple autodestructeur, "le naufrage de soi dans l’autre" dixit l'auteur, face à la solitude consubstantielle de l'homme et à la vacuité existentielle, constitue une pièce noire, adjectif au demeurant superfétatoire s'agissant de ce dramaturge de la cruauté et de la guerre des sexes, qui va au-delà de la lutte des sexes, qu'il qualifie de fantasmatique, dans le cadre du pandémonium conjugal.
En l'occurrence, elle se décline avec deux couples en miroir, le protocole mortifère récurrent du premier contaminant le second qui sort du rôle assigné de public pour entrer, par mimétisme, dans un maelstrom d'agressions et de provocations violentes.
Les partis pris de mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, qui, de surcroît, institue une différence de génération et de classe sociale entre les deux couples, gomment la progression dramatique telle qu'elle existe dans la partition originale, évoluant du réalisme des couples fracassés et du psychologisme des êtres en proie à leurs tourments intérieurs à la réflexion métaphysique sur la vie et l'amour, et lui appliquent les codes de la comédie de moeurs, dont la monstration illustrative.
Dès lors, dans un décor de Yves Bernard, un appartement high-tech sur tournette calqué sur celui de "Dämonen", mais qui, en l'espèce, tourne à vide, "Démons" revêt la forme d'une double scène de ménage dans laquelle les démons ne sont que des diablotins et des personnages désincarnés porteurs de répliques de théâtre.
Sur scène, la fine fleur du cinéma français ne subjugue. Avec ses imitations de chanteur de variété italienne, toujours en sur-jeu, Romain Duris, posture d'artaban en costume-cravate noire étriqué d'employé des pompes funèbres, fait un beau numéro d'acteur de latin lover névrotique.
Telle qu'en elle-même, avec son non-jeu, et son expression de désenchantement nauséeux, Marina Foïs "fait" du Marina Foïs. Elle fait sensation avec une entrée avec retournement à la Mireille Darc, celle du film film "Le grand blond avec une chaussure noire" avec sa légendaire robe au vertigineux décolleté dorsal, mais hélas avec une tenue, dentelle côté face et tulle transparent côté pile, qui n'en possède pas la charge érotique et prête davantage s'esclaffer.
Anaïs Demoustier, attifée en nigaude avec jupe plissée et sandales-socques happy flower seventies, campe la jeune mère dépressive et Gaspard Ulliel, guère mieux loti avec ses espadrilles et sa coupe Beatles, semble en état d'égarement permanent. Tout comme certains spectateurs. |