Spectacle conçu par Phia Ménard, mise en scène de Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault, avec Isabelle Bats, Cécile Cozzolino, Géraldine Pochon, Marlne Rostaing et Jeanne Vallauri.
Avec "Belle d'hier", qui augure d'une nouvelle dimension de son travail au regard de la récurrence du solo autofictionnel, Phia Ménard devient chorégraphe et metteuse en scène avec la collaboration Jean-Luc Beaujault d'un spectacle-performance qui incite au grand chambardement et vise au dynamitage des mythes et des croyances sur lesquels s'est constituée et repose les sociétés hétéro-patriarcales.
Qualifie de "pièce de combat" menée par les "rageuses" d'un quintet composé de comédiennes et de danseuses, cette partition constitue une proposition forte qui hybride manifeste politique, performance et installation plasticienne.
Manifeste politique puisqu'elle vise à changer le monde pour le réinventer en dynamitant la sexuation sociale qui, dès l'enfance, notamment avec les jouets, comme l'a montré l'exposition "Des jouets et des hommes" présentée au Grand Palais en 2012, et les contes de fées, assigne rôle hiérarchisé et destin intangible au terme desquelles le garçon doit être le valeureux prince charmant qui va sauver sa belle pour la confiner à l'univers domestique afin qu'ils puissent vivre heureux et avoir beaucoup d'enfants.
Performance car conçue par Phia Ménard comme une "pièce de combat" pour une esquisse de "l'après-mythe" menée par un commando de "rageuses", un quintet de comédiennes et de danseuses - Géraldine Pochon, Cécile Cozzolino, Marion Rostaing, Jeanne Vallauri et Isabelle Bats - qui délivre une impressionnante performance physique.
Installation plasticienne qui s'inscrit dans l'écriture visuelle singulière qui constitue sa marque de fabrique, une écriture autour de la matière, celles des éléments, qui préside au projet intitulé I.C.E. (Injonglabilité Complémentaire des Éléments) autour duquel a été fondé sa Compagnie Non Nova.
En l'espèce, l'eau est déclinée sous ses trois états, liquide, gazeux et solide, pour signifier la dissolution des carcans et des mythes et Phia Ménard reprend un des éléments scénographiques de son solo "P.P.P.", celui de de la robe congelée, qui préside à l'armée d'effigies gelées du tableau-prologue.
Héritage des ères obscures, figurées par d'immenses pèlerines spectrales, qui évoquent les illustrations représentant les Nazgûl de la trilogie du Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien, elles subissent la lente érosion du temps. Ces houppelandes congelées dégèlent, fondent, s'affaissent, la chute des idoles est en marche et est venu de le moment de les abattre.
La révolte cathartique est violente et les épouvantails défaits sont accrochés comme de sanglantes carcasses d'abattoir, puis dépecées pour être réduits à des simples oripeaux devant être expurgés de toute signifiance. Les femmes d'aujourd'hui ne veulent plus être réduites à la condition ménagère et le temps est venu de la dernière "grande lessive". Et le même sort est réservé à la robe congelée symbole de contention.
Une lessive harassante car les dogmes ont la peau dure et les vêtements gorgés d'eau pèsent leur poids. Mais le rude combat aboutit à une liberté heureuse avec le rire aux éclats des "lavandières" débarrassées de leur robe de princesse.
La mise en scène maîtrise le propos qui se développe dans un accompagnement sonore de Ivan Roussel qui rappelle celui composé par Scott Gibbons pour le "Go down, Moses" de Romé Castellucci créé en 2014, auquel renvoie également, de manière patente, la scénographie de l'épilogue, au demeurant dispensable, avec son effet de vapeur et sa stargate lumineuse. |