La biennale photographique Photoquai 2015 s’installe notamment sur le quai Branly avec une sélection des œuvres de 40 photographes contemporains issus des grandes zones géographiques représentées au sein des collections du Musée du quai Branly.
Pour sa 5ème édition sous-titrée "We are family", cette biennale des images du monde, qui a pour mission la promotion d'artistes peu connus en Europe et le" croisement des regards sur le monde", est placée sous la thématique de la famille.
Mais, ainsi que le précise son directeur artistique, Frank Kalero, diplômé en photographie doucmentaire et fondateur de plusieurs magazines et galeries, le terme doit être entendu non dans son sens courant et génétique mais dans une acception polysémique qui vise à rendre compte d'une attitude contribuant à la constitution d'un groupe autour de quelque chose qui fait sens.
La sélection a été effectuée en collaboration avec cinq commissaires - Azu Nwagbogu, Kewin Wy Lee, Liza Faktor, Michket Krifa et Claudi Carerras - spécialistes des arts visuels respectivement pour l'Afrique, l'Asie, la Fédération russe, le Moyen-Orient et l'Amérique Latine, parmi les travaux sériels de photographes ressortant uniquement à la photographie documentaire.
L'accrochage est celui désormais classique des expositions en pleine air, telles celles qui investissent les grilles du Jardin du Luxembourg, le quai de l'Arsenal ou l'avenue des Champs Elysées, avec des photos grand format en impression vinyle présentées en l'espèce en un parcours façon pêle-mêle dépourvu d'appariement significatif mais comportant un cartel explicatif pour chaque photographe.
Photoquai 2015 : rien de nouveau dans le monde de la photographie
Deux raisons peuvent inciter à cette déambulation, au demeurant gratuite. En premier lieu, sa thématique qui interpelle par son caractère fédérateur. Toutefois, elle ne tend pas à rassembler l'humanité autour de dénominateurs communs mais, au contraire, de célébrer la différence ce à quoi aboutit la dilatation polysémique du mot famille qui finit par aboutir à une absence de sens.
Car certains photographes se réfèrent à la famille stricto sensu avec des photos de famille comme pour Delphine Diallo, qui photographie sa branche paternelle ("Renaissance"), Fernando Montiel Klint avec un projet d'introspection familiale ("Doubernard"), Cecilia Reynoso qui depuis plusieurs années immortalise ses repas de famille ("The Flowers Family"), Hanif Shoaei qui photographie son couple et ses proches dans l'intimité nocturne ("Technology in Bed") ou Tiago Coelho avec les portraits de sa nounou ("Miss Ana").
Pour les commissaires 'un seul individu, en l'occurrence le photographe lui-même, peut être constitutif d'un groupe.
Avec les autoportraits de Omar Victor Diop
("Diaspora") ou de Juan Pablo Echeverri ("Surpersonas") qui se déguisent en personnalités africaines du temps du colonialisme ou en superhéros.
Et puis des inclassables singuliers comme les photos de studios de Bollywood de Sarker Protick.
Autre pôle d'intérêt, celui pour le potentiel du médium photographique et l'éventuelle découverte des photographes émergents, la plupart nés dans les années 1980, qui pourraient marquer de leur empreinte l'histoire de la photographie du 21ème siècle notamment par leur approche ou forme novatrices.
Mais le choix d'un champ réduit au registre de la photographie documentaire limite la novation et tous les photographes présents emboîtent le pas des précurseurs en ce domaine sans chercher la singularité formelle.
Ainsi en est-il de la photograhie documentaire traditionnelle avec le recensement des petits métiers de k'indien Supranav Dash ("Marginal Trades"), les portraits de samourais de Noriko Takasugi ("Fukushima Samurai") et les clichés
pour magazine de photo-reportage avec les peuples en résistance comme les paiens russes de Nikita Shokhov ou ceux menacés dans leur habitat, par exemple l'engloutissement d'une petite ile du delta du Gange vu par Daesung Lee.
Rares sont les chasseurs d'images prises sur le vif comme Chulsu Kim (Instanatneous Force") et le duo formé par
Luisa Dorr et Navin Kala qui épingle les les selfies-addict et dont un cliché est retenu pour l'affiche de la biennale.
Ce sont donc majoritairement des portraits posés, parfois format photomaton comme la série "Passeport" de la canadienne Emilie Régnier, et parfois mis en scène de manière provocatrice, comme celles de Jannatul Mawa qui fait asseoir côte à côte la maitresse de maison indienne et sa domestique, voire de façon vintage-kitsch à la manière des photos de studio de photographe des années 1950 avec le "Mon Tunis" de Faten Gaddes.
Les marges sociales sont largement représentées tant par l'appartenance choisie à des clans
(les "cholombianos" de l'américain Stefan Ruiz)
que des situations d'ostracisme subies avec les mères célibataires au Maroc et en Australie avec la série "My Taboo Child" de Zara Samiry et "We Met a Little Early" de Raphaela Rosella, les homosexuels vietnamiens de Maika Elan ("Pink choice"), ou
les travestis du mexicain Luis Arturo Aguirre ("Desvestidas") présentés près des
portraits des maîtres de chiens de concours de Karan Vaid ("Best in show").
Le parcours intègre également sous forme de portoflio numérique une intéressante sélection des oeuvres des lauréats 2014 des Résidences de Photoquai. |