Je me souviendrais toujours de la première fois que j'ai vu Calvin Russell sur scène, dû au pur hasard d'une villégiature normande, dans le cadre d'un festival local à Pont Audemer.
Et de la binette estomaquée des villageois, la barquette de frites-merguez à la main, voyant débarquer ce personnage de western improbable, portant un stetson, armé d'une guitare et d'une bouteille de Jack Daniel, avec ce visage ravagé, la dégaine surréaliste.
Les gens se regardent. Il commence à jouer et ce fût fabuleux car tous se sont attroupés devant la scène. Un vrai moment de grâce
Calvin Russell a tout connu : les maisons de correction, l'errance, la prison, l'alcool, la drogue. Il lui en reste des tatouages, un visage buriné, un corps cabossé, une voix caverneuse et un beau talent de songwriter pour nous raconter son Texas natal et ses galères.
Se décrivant comme "an outlaw rock and roll soldier fighting sorrow in modern times", il reconnaît l'effet salvateur de la musique à son égard. Sorti du chaos grâce à un producteur français, il a sorti une dizane d'albums et donne régulièrement des concerts en France.
Son dernier album Rebel radio date de 1991 et on pouvait penser qu'il aspirait à l'approche de la soixnatine à un repos bien mérité. Mais ceux qui ont goûté à ce qu'il chante "the freedom of the road" ont du mal à veiller au coin du feu. Voici donc son retour discographique. Avec In spite of it all, finis la guitare sèche et le blues folk. Calvin Russell revient en force dans le rock en compagnie de sept musiciens : Greg Hampton (basse), Rick Brannon et Gabe Rhodes (guitares), Chris Collier et Joe Frenchwood (batteries), Pat Regan (piano) et Steffen Presley (orgue) qui lui assurent un bon gros son.
Si les ballades mélancoliques et nostalgiques sont au rendez-vous ("Over And Over", "In Spite Of It All"), le road dog reprend vite le dessus. Ainsi "Cans", paroles fortes sur musique tempérée est-il suivi d'un petit brulôt rock en guise de bonus ("Rolling").
Qu'il chante ses textes ou ceux des autres, qu'il invective Bush dans un "Oval room" tubesque, nous rappelle sa philosophie de la vie sur le rock teinté de blues de "Live till I die", parte à l'assaut de "Voodoo River" d'une guitare écorchée vive, officie dans le bon vieux rock'n'roll ("Just Like L.A."), Calvin Russell reste le chantre de la condition humaine.
Le monde n'est pas fait pour les rêveurs : s'il faut continuer de chanter ("In Spite Of It All") il faut aussi savoir saisir sa chance ("Too much room") et l'amour ("All I Need").
Calvin Russell n'est pas lassé de parcourir les routes. Vous le reconnaîtrez…
|