Quelle curiosité musicale pouvait bien nous réserver la 29eme édition du Tourcoing Jazz Festival ? Cette année, mon ovni s'appelle Chassol. Il aura suffit d'un jet de notes pour que le Magic Mirrors prenne vie, vibrant sous les doigts du talentueux pianiste qui lui donnait son coeur.
Magique, c'est le cas de le dire, du début à la fin. Combien de temps le concert a-t-il duré ? Indéfinissable. Je n'ai pas vu le temps passé, tellement c'était enivrant. Etait-ce un film ? Un concert ? Un ciné-concert ? Inqualifiable. Entre l'image et la musique, Christophe Chassol joue l'entre-deux, une fusion entre les arts.
A l'écran, trois actes. Tous donnaient à voir les différentes facettes de la Martinique. Son Big Sun, ses grand-mères, ses imitateurs d'oiseaux, ses costumes de carnaval, ses danses, ses rappeurs, ces racines, cette musicalité dans la voix..., des images filmées de près pour en capturer avec émotion le rayonnement des Antilles. Sur scène, Chassol, entouré de ces quatre claviers, et son batteur Lawrence Clais ne faisaient qu'un avec les séquences d'images. A mesure, les notes naissaient du soleil, se déployaient sur les ailes des oiseaux et passaient de bouche en bouche avec virtuosité.
On ne savait où regarder tant les images à l'écran étaient tendres, belles et même drôles, orchestrées en boucle. Et lorsque Chassol les absorbaient, il les vivait à son tour. C'était alors lui, vibrant, vers qui tous les regards se tournaient.
Alors quelle nouveauté ? Depuis quelques années, Chassol a une lubie en tête : harmoniser les bruits et les sons de la rue. Ces "ultrascores", comme il les surnomme, sont devenus ses pièces d'expérimentation. Il les observe sous toutes les coutures pour trouver leur ADN, leurs séquences-clés qui, mises en boucles, vont dessiner tantôt le canevas, tantôt le motif de ses compositions. Ce mariage subtil piano-son offre alors une nouvelle dimension à l'image. Le résultat est redoutable et souffle le spectateur.
Et si on ferme les yeux ? Nos sens se focalisent sur l'apparente simplicité de la musique. Les compositions sont extrêmement travaillées mais elles n'en restent pas moins accessibles. Des années de compositions derrière lui. En explorant le répertoire de Chassol, j'ai été impressionnée par le nombre de références sans compter les collaborations avec Phoenix, Sébastien Tellier ou encore Keren Ann. Pas étonnant de voguer entre jazz, électro, rap... Le jazz de Chassol est dynamique et métissé. C'est peut-être aussi la Martinique qui laisse ici son chant, sa marque, son coup de soleil.
Le spectacle s'éteint, les notes disparaissent. On en redemande encore. Chassol tout sourire de s'être autant amusé pousse son batteur pour nous offrir un ultime et brillant duo. Big Sun, titre de son dernier album, c'est aussi lui. Chassol est un artiste solaire qui communique avec passion sa musique et ouvre de nouveaux horizons au jazz. A découvrir absolument !
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