Monologue dramatique écrit et mise en scène par Rémi De Vos, interprété par Catherine Jacob.
A "Madame" il ne manque qu'un prénom pour évoquer le milieu dans lequel elle a oeuvré en service actif avant de prendre du galon, celui de la prostitution.
Et, comme elle l'indique lle-même, elle a eu de la chance puisque ce n'était pas un bordel d'abattage mais une huppée maison de plaisir même si les clients de "la haute" se laissaient parfois aller à des extrémités nécessitant l'intervention d'un médecin, en l'occurrence le fameux docteur Petiot.
Ce qui n'est guère surprenant dès lors que son premier amour, elle est déniaisée par un "virtuose du plumard doté d'une baguette surdimensionnée", le célèbre Landru qui, exceptionnellement, ne "couche" pas utile, révèle son goût pour les beaux parleurs et les "choses" du sexe, elle constitue une proie idéale pour les placeurs de maisons closes d'autant qu'elle ne se sent aucune disposition pour la fonction ancillaire ou le travail en usine.
Quand sonne l'heure de la retraite, avant le baisser de rideau, elle raconte son histoire qui ressemble à celle de toutes les bécassines de la France rurale de la fin du 19ème siècle débarquant dans la capitale hypnotisées par le mirage de l'eldorado parisien de la Belle Epoque avec la ferme détermination de ne jamais retourner dans la bouseuse pâture familiale du fin fond de la Bretagne bretonnante.
La partition écrite par Rémi De Vos se présente, d'une part, comme un exercice de style, car monologale hors de sa pratique habituelle de la comédie noire, et, de surcroît, rédigée dans une langue argotique qui évoque davantage la manière gouailleuse de l'orfèvre en la matière que fut le dialoguiste Michel Audiard que de celle vitupératrice de Céline.
D'autre part, elle s'avère, sinon équivoque, du moins composite dans la mesure où elle hybride la trajectoire de vie, elle-même ambigüe, vrai destin ou autofiction, d'une figure archétypale, une chronique allégorique de la France de la première moitié du 20ème siècle et un procédé métaphorique pour traiter essentiellement de la thématique de l'hypocrisie sociétale face à la boucherie de la première guerre mondiale, la "tolérance" des maisons closes ou l'épuration sauvage de la Libération.
Sur scène, plateau nu et rideaux carmin, assise, une femme, bouche rouge et yeux charbonneux, habillée en noir strassé et dotée de la coiffure choucroute platinée des sixties. Dirigée par l'auteur, Catherine Jacob prend à bras-le-corps ce personnage de femme qui est moins une rebelle frondeuse qu'une femme lucide face au principe de réalité qu'elle accepte avec une résignation pragmatique camouflée derrière une 'ironie apparente et une salvatrice autodérision. |