Depuis 2004, avec "Toutes les familles sont psychotiques", les Editions Au Diable Vauvert publient les romans du dynamiteur social Douglas Coupland, dont "Génération A", et "Joueur 1", qui décrypte et dynamite les
dérives sociétales postmodernes.
Son dernier opus en date intitulé "La Pire. Personne. Au monde." surprend doublement. D'une part, parce que l'auteur annonce dans une brève préface que ce roman constitue une tentative de réanimation d'un genre de la littérature chinoise classique correspondant au carnet de notes, celle du biji tel qu'il résulte de la définition Wikipédia.
Ce qui explique qu'il est ponctué de quelques brefs inserts concernant, au hasard et entre autres, l'oxycontin, le spork, l'allergie aux noix, Stonhenge et Mister Bean, dont non seulement le contenu et l'intérêt laissent dubitatif, mais ne forment qu'une portion congrue dans un roman homodégétique de facture classique. D'autre part,
il ressort au genre du comic dès lors que les péripéties vécues par le narrateur s'avèrent aussi rocambolesques qu'invraisemblables.
Roman empathique sans doute par sa résonance avec ce que le lecteur peut subodorer du plaisir jubilatoire de son ateur qui use d'une écriture et d'un univers qui se situent au centre d'une trinité formée par Dan Fante, Bukowski et Donald Westlake, et le plaisir du traducteur Walter Gripp.
La quarantaine venue, Raymond Gunt, prototype de l'anti-héros détestable et cumulard car misanthrope, homophobe, xénophobe, machiste et davantage encore, se trouve à un moment de sa vie où il est au bout du rouleau.
Et triplement impuissant, impuissance professionnelle (réalisateur devenu improductif),sexuelle (corollaire d'un alcoolisme avéré et d'une addiction aux stupéfiants) qui le ramène à une sexualité infantile au stade anal (il érectue par tous les orifices) et existentielle (écoeuré par son humanité ravagée, la haine de soi entraînant la haine de l'autre) et immature, son dieu et figure héroïque étant Jason Bourne, un des personnages récurrents du romancier Robert Ludlum.
Au bord de la clochardisation, il revient vers son ex-femme, la queue entre les jambes au sens propre comme figuré, un warrior qui répond au doux prénom de Fiona une femme superbe qui lui a fait endurer "les pires saloperies" et qu'il qualifie, avec le langage châtié devenu son seul viatique, de "vide couilles ratatiné, anti-coït et bombe nucléaire de souffrance", qui dirige une florissante agence de casting.
Pas question pour celle-ci, qui connaît bien son ex-bonhomme, de dégainer le porte-feuilles. Tout au plus lui propose-t-elle un job de cameraman dans une émission de télé-réalité de survie en milieu hiostile qui doit se dérouler dans une île du Pacifique sud.
Ce qui entraîne l'abominable Raymond, secondé par un sdf qu'il a sorti du caniveau et qui devient son assistant, et son double positif, intelligent, entreprenant et séducteur, dans un espirale infernale qui le fait tourner en rond, dans tous les sens du terme, et l'empêche de rejoindre la fameuse île.
Nonobstant la verve couplandienne, cet interminable "very bad trip", qui ne mène nulle part tout en sacrifiant au happy end rédempteur, finit par faire également tourner en rond le lecteur, de surcroît, saturé par le flot d'insanités et de grossièretés fielleuses déversé par le quidam. Donc pour les amateurs du genre. |