En collaboration avec l’Atelier Lucien Clergue, la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais consacre une exposition au photographe français
Lucien Clergue, co-fondateur des Rencontres photographiques d'Arles et membre de l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France, décédé en 2014. dont le sous-titre "Les premiers albums" ne rend pas totalement compte de son propos.
En effet, les commissaires, François Hébel, ex-directeur des Rencontres, et le couturier et designer arlésien Christian Lacroix, ne se limitent pas aux années de jeunesse tout en n'optant pas pour la rétrospective en axant la monstration sur la récurrence thématique.
Ainsi, si elle fait la part belle aux premières oeuvres du photographe considérées comme fondatrices, celles des années 1950 compilées en album jusqu'en 1956, elle couvre également les deux décennies suivantes qui illustrent
notamment le goût du photographe pour les jeux de lumière
et de contrastes du noir et blanc.
Par ailleurs, la monstration, composée de tirages vintage et de tirages modernes argentiques, bénéficie d'une superbe scénographie "couture" alternant tons pastels et couleurs saturées conçue par Christian Lacroix et placée sous le signe de la vague qui lui apporte une lisibilité aussi graphique que dynamique.
Lucien Clergue, le dialogue avec la lumière
Enraciné dans sa ville natale d'Arles où il est né en 1934, ce photographe autodidacte adepte de l'esthétique de la "straight photography", qui doit sa carrière à Picasso, et dont il déclinera le thème de l'enfant costumé dans une série de série de pierrots et arlequins avec les ruines de la ville bombardée en arrière-plan, est moins connu du grand public que ses aînés représentants du courant de la photographie humaniste française.
La terminologie de "premier album" renvoie, d'une part, aux catalogues d'échantillons de tissus que Lucien Clergue transforme en albums pour ses premières planches-contacts.
Ces sept albums révèlent tant ses thématiques de prédilection induités par l'environnement camarguais que l'acuité d'un regard mélancolico-contemplatif formé par les événements douloureux de sa jeunesse, la guerre et la mort prématurée de sa mère.
La ville dévastée par les bombardements de la Seconde guerre mondiale, les cimetières avec leurs concessions abandonnées et les charognes voisinent avec le pittoresque arlésien avec la communauté gitane et les corridas,
Les "premiers albums"
visent également les plaquettes et recueils de photographies des années 1960, tel "Gitans aux Saintes Maries", et les ouvrages dans lesquels figurent, à titre d'illustration, les photographies de Lucien Clergue dont, in limine en 1948, "Corps mémorable", le recueil de poèmes de Paul Eluard publié par Pierre Seghers avec un poème introductif de Jean Cocteau et une couverture signée Picasso.
Sous l'objectif du jeune photographe, le cénacle picassien se prête volontiers à l'exercice du portrait saisi au vif ou posé tout comme des jeunes femmes anonymes prêtent leur corps en posant nue.
Avec ses femmes-troncs, dont celle de la série "Née de la vague" des années 1960, Lucien Clergue
décline le nu en plan rapproché, le corps en morceaux tel que pratiqué par les avant-gardes avec effets d'eau et de lumière. La décennie suivante, il procèdera à l'identique avec ses nus urbains, les fameux nus zébrés".
La même technique préside aux clichés de nature morte ainsi que l'illustre l'immense panoptique regroupant les
grands tirages
de macros graphiques de la série "Langage des sables" réalisés au cours des années 1970 qui mène au portrait de Lucien Clergue photographié en 2014 par Francis Selier dédié "A l’homme du sable et du langage de la lumière".
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