I Am Stramgram - Radio Elvis - I Have A Tribe - 17F - Hein Cooper - Ness - Charles-Baptiste
Sélection de singles et de EP
(Divers) janvier 2016
Quoi de mieux pour commencer cette année deux-mille seize qui s’annonce aussi bonne que deux-mille quinze, sinon pire, que de passer en revue quelques EP qui vous avaient sans doute échappé ? Franchement là, comme ça, à brûle-pourpoint, je n’en ai aucune idée alors voici venu le temps de la revue des EP que tout le monde attend autant que les rires et les chants.
Evidemment comme à l'accoutumé, ces EP ont été choisis avec grand soin et un savoir-faire unique que le monde entier nous envie, je veux évidemment parler de la méthode imparable qui a fait son succès, c’est-à-dire celle du plouf-plouf, du tictaktouillesétoualandouillisme, sans se soucier du qu'en-dira-t-on et de la pression des attachées de presse, on est des fous et c’est parti !
I Am Stramgram Patchworkitsch Tryptique (L'Equipe A / Les Disques du Fennec, décembre 2015)
Vincent Jouffroy, Bordelais et tête pensante de I Am Stramgram, a imaginé plus qu’un EP mais un véritable projet multimédia autour des quatre chansons qui forment son triptyque, chaque chanson a sa page web, avec son univers propre, ses illustrations, ses vidéos, et ce n’est rien de dire que c’est réussi. Même s’il est auteur compositeur interprète, il s’est entouré de graphistes, de vidéastes, de photographes et d’amis en tous genres pour donner au final une vision collective d’une œuvre créée par un seul homme.
On trouvera ainsi en vrac une histoire nostalgique de bouées, un travail sur la mémoire, des portraits, etc. Il faut dire aussi que les compositions de Vincent sont de parfaits bijoux pop comme peut en faire Kevin Morby par exemple, ses morceaux invitent au voyage, à la rêverie, et à l’introspection. Faussement simples, les chansons se dévoilent petit à petit, en couches successives, "Trigger" bâtie principalement sur le chant avant de s’envoler, "Saut de Ligne" mélangeant habillement français et anglais, bref c’est une belle découverte que cet I Am Stramgram, tellement belle que je ne dis rien sur le nom du projet, c’est dire que j’ai apprécié.
Radio Elvis Live aux [Pias] Nites (PIAS, octobre 2015)
Dans la série l’espoir n’est pas mort il est juste figé, voici un des espoirs de la scène française pour l’année à venir, Radio Elvis. Ils reviennent avec un EP enregistré à la Maroquinerie dans le cadre des Lives aux [Pias] Nites, complément idéal de leurs deux précédents Juste Avant la Ruée et Les Moissons.
Parfait mélange entre chanson française exigeante et rock audacieux, ces cinq morceaux live permettent de prendre conscience de l’énorme potentiel du trio parisien. Energiques voire même énervées parfois, les compositions gagnent ici en simplicité, ces versions apparaissent plus brut, plus dans une urgence, un besoin de partager des émotions, des histoires et autres colères, et si vous rajoutez à ça le chant clair, limpide de Pierre Guénard, qui permet d’appréhender au mieux ses textes et leur poésie, vous comprendrez aisément pourquoi on a hâte d’être au printemps pour découvrir enfin leur premier album.
I Have A Tribe No Countries (Grönland Records, octobre 2015)
Tout comme The Villagers, I Have A Tribe est un groupe Irlandais, ils ont d’ailleurs assuré plusieurs de leur première partie. En fait, je devrais dire "il a" tant I Have a Tribe est le projet d’un seul homme : Patrick O’Laoghaire. D’ailleurs, outre la passion pour les pochettes moches, on trouve musicalement d’autres points communs avec les Villagers, et c’est sans surprise que l’on apprend Conor O’Brie, le leader des Villagers, a donné un coup de main pour l’enregistrement de cet EP.
On trouve ici le même mélange de douceur et d’énergie. "Medicine From Calgary" qui ouvre cet EP en est une preuve, chanson pop par excellence au refrain entêtant et pourtant pas dénoué d’émotion. Une des forces de Patrick O’Laoghaire est la capacité de passer de la gravité à un timbre proche de celui d’Antony Hegarty en plus puissante comme sur "No Countries" ou "Just Animals".
Un morceau comme "Tribal" ne peut que "prendre aux tripes", formidable piano voix où la voix, les voix en fait, ne se limite pas au chant mais va donner un véritable univers à la chanson, pour transformer cette supplique en quelque chose d’intense et de très beau. Et si "Lungs" semble prendre le même chemin du piano-voix, c’est pour mieux s’en éloigner et aller dans le grandiloquent, avec toujours l’émotion et la puissance de la voix d’O’Loaghaire. EP cinq titres qui donne vraiment envie et qui fait un peu pleurer quand même.
17F Two Cowboy Songs (Autoproduit, septembre 2015)
J’étais passé à côté de ce "45 tours" limité à cent exemplaires avec une pochette handmade, c’est dire si c’est classe, mais heureusement disponible sur les internets mondiales.
17F est un groupe suisse, Veveysan pour être précis, mené par Frédéric Merk revendiquant les influences de Neil Young, Mark Hollis ou Pink Floyd. Et c’est à une autre de leurs influences qu’ils ont choisi de rendre hommage sur ce single, à savoir Lee Hazlewood. Et quoi de mieux que des duos homme-femme dans l’esprit de "Lee and Nancy" pour y parvenir ?
C’est donc deux duos "à l’américaine" que nous propose 17F, l’un ("Penelope Ward") avec Aurélie Emery et l’autre ("The Naughty Balad of Lucy and Sean") entre Sean Brooks et Laure Betris. Réussir deux "à la manière de" sans tomber dans le plagiat, la redite ou le moins bien, ce n’est pas chose aisée, et pourtant Fred Merk y parvient "comme qui rigole" en nous livrant deux perles qui semblent sortir d’un autre temps, d’une époque où l’on savait fabriquer des chansons intemporelles faites de Cowboy et de balades coquines sans que l’on verse dans Brokeback Mountain.
Bref, si vous aimez les grands espaces, les guitares lap steel c’est pour vous, et si vous n’aimez pas ça, vous aimerez quand même ces deux morceaux, c’est dire qu’ils sont réussis !
Australien de Milton (ne me demandez pas, je ne sais pas où c’est), Hein Cooper semble faire de la folk et pourtant, il fait bien plus que cela. Certes, on retrouve les introductions à arpège de guitare, la voix douce, mais cela serait vraiment un tout petit peu réducteur de le cantonner à ça. D’ailleurs, sur le morceau d’ouverture "The Art of Escape", il mêle habilement électronique, effet de voix et guitare acoustique.
C’est un parfait résumé de ce EP, l’art de l’évasion, chaque morceau est en soit une évasion, réussissant à surprendre sans jamais dérouté, "The Real" se faisant planant grâce à des claviers voluptueux avant de s’envoler pour justement fuir cette réalité et se retrouver dans la lune comme à la maison, "Luna Sky". Et si dans "Eyelids", on retrouve la guitare au naturel, juste soulignée par quelques notes de basse, c’est pour mieux jouer avec sa voix. Voix magnifique d’ailleurs, jamais dans le sur-jeu et pourtant, on sent et la puissance et le potentiel.
Pour terminer, Hein Cooper nous propose un remix (par Tora) de "The Art of Escape" comme pour nous prouver la force de ses chansons, c’est-à-dire que quel que soit le traitement, la composition et sa voix tiennent la chanson parce que c’est avant tout de bonnes chansons. Un EP comme une manière parfaite de démontrer que pour s’évader, il n’y a pas qu’un seul chemin.
Comment ai-je pu oublier de vous parler de cet EP pourtant sorti en mars dernier sans me faire licencier pour faute lourde ? Je ne le saurai jamais, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Ness signifie "les gens" en arabe, projet mené par Eliott Hosansky un temps exilé au Canada avant de revenir ici avec plein d’idées en tête, et cet EP ne manque pas d’idées et de chansons. En cinq titres, le quatuor va dévoiler un incroyable savoir-faire pop et mélodique. Refrains efficaces "Hello it’s Me", "Wake Up", compositions maîtrisées et inspirées, moins faciles qu’elles n’ont l’air au premier abord grâce à un très bon travail sur les arrangements, une batterie et autres percussions particulièrement soignées.
Ness vous prend pour ne plus jamais vous relâcher, même si au premier abord on ne voit que légèreté, il y a une certaine profondeur et une mélancolie notamment grâce au chant riche, puissant et aux chœurs harmonieux et quand sur "Gone ou Fallin’", ils se font plus doux, c’est pour mieux vous prendre et vous faire décoller. Un EP étonnamment cohérent, divinement prometteur dont il aurait été vraiment dommage de passer à côté.
Charles-Baptiste La Symphonie Pornographique (Robert, octobre 2015)
Et enfin que serait la revue de EP sans son passage NSFW ? Bah, juste une revue de EP beaucoup moins intéressante.
Charles-Baptiste, chanteur français de variété, du début du XXIème siècle ayant sorti un premier album Les Sentiments Inavouables (sentiments et porno, même combat) au succès tout relatif, et c’est bien dommage tant les compositions du parisien (alerte cliché en approche) redonnent leurs lettres de noblesse à la variété française.
La Symphonie Pornographique se découpe en quatre mouvements, trois chansons et un instrumental "Eros Retrouvé", que l’on pourrait croire tout droit sorti de la bande originale d’Emmanuelle signée par Pierre Bachelet (oui, celui des Corons). C’est justement une des réussites du disque, ce délicat mélange entre des propos, jamais graveleux mais assez imaginés dirons-nous, et une musique tout en douceur et inspirée des meilleures musiques des films du dimanche soir de M6 (référence datée j’en conviens).
Il réussit à mélanger chanson française et musique électronique vintage, il ne faut pas oublier que Charles-Baptiste composait avec Alexandre Chatelard le duo Triomphe qui se définissait comme une "Entité musicale prog-romantique". Des textes drôles, décomplexés, mêlant fantasmes et réalité, alliés à des cœurs féminins et Hamiltonien sur "Porno" ou à un clavier Virgin Suicidesque sur "Massage Rooms", tout cela pour vous donner le disque qui accompagnera vos soirées romantiques à but non platoniques.
A noter qu’il existe là aussi une version vinyle limitée à cent exemplaires avec un très joli livret réalisé par Jean-Baptiste Talbourdet-Napoleon, qui ravira petits et grands, OK surtout les grands en fait…
# 03 novembre 2024 :Pendant que l'on retient notre souffle
Une semaine qui verra, ou non, le monde basculer du côté obscure de la force, la force avec un petit "f". D'ici là cultivons-nous pour éviter de finir comme "eux". Et toujours Le replay de la MAG#91 disponible en attendant la #92 le 8/11...Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.