Drame de Max Frisch, mise en scène de Fabian Chappuis, vec Alban Aumard, Anne Coutureau, Romain Dutheil, Stéphanie Labbé, Hugo Malpeyre, Laurent d’Olce, Loïc Risser, Marie-Céline, Elisabeth Ventura et Eric Wolfer.
Fabian Chappuis signe l'adaptation, la scénographie et la mise en scène de "Andorra", partition du dramaturge suisse alemanique Max Frisch qui, sous titrée "Autopsie d'une haine ordinaire", traite des thématiques de l'exclusion, du racisme, de l'exclusion et du bouc émissaire, au travers d'une histoire individuelle qui ressemble à celles souvent retracées dans la rubrique des faits divers.
Bien que ne ressortant pas au théâtre épique, la partition de Max Frisch s'inscrit dans la filiation du théâtre politique de ses aînés Bertold Brecht et Odon Von Orvath même s'il n'use pas du dispositif didactique du premier ni "de la pratique de la secousse discrète" du second.
En effet, la partition est portée par une dramaturgie moderne, avec fragmentation narrative, montage de tableaux et insertion de témoignages, qui correspond à la technique contemporaine des docu-fictions télévisées alternant reconstitution de scènes et intervention des témoins.
Dans une petite bourgade d'un pays imaginaire qui vit en autarcie entre congénères du même sang et de même croyance, un pays neutre et pacifiste dont la devise est "l'innocence est notre arme", un jeune homme juif d'origine étrangère est exécuté pour le meurtre d'une femme venue du pays voisin, une dictature expansionniste et antisémite.
Or, en réalité, il n'était ni juif, il est le fils naturel de l'instituteur qui, par honte et lâcheté, le disait adopté, ni l'assassin de la femme qui était sa mère biologique. Mais ce microcosme rural et champêtre n'échappe pas aux lois des sociétés primitives et à leurs rites archaïques, celui de la victime expiatoire en cas de danger intérieur et du bouc émissaire en cas de menace extérieure.
Pas un pour racheter l'autre parmi les acteurs sociaux, en l'occurrence, le brave petit peuple, avec l'aubergiste (Stéphanie Labbé) et le menuisier (Eric Wolfer), les notables avec le médecin (Alban Aumard), l'armée avec le soldat (Hugo Malpeyre) et même le goupillon avec le prêtre (Loïc Risser). Et la pièce est d'autant plus tragique qu'aucun n'a mauvaise conscience, ni responsable, ni coupable, se retranchant derrière la bonne foi, l'ignorance, le mensonge, la lâcheté voire l'exécution des ordres.
Réfléchis et pertinents, les choix de mise en scène de Fabian Chappuis, qui respectent la structure originale de l'opus et tendent vers le documentaire théâtral, peuvent néanmoins déconcerter le public par leurs composantes antithétiques.
En effet, dans une scénographie minimaliste et "sèche", trois panneaux mobiles pour rendre compte des différents lieux, qui écarte toute représentation naturaliste, se confrontent personnages archétypaux et anonymes et ébauches de personnage de chair, ceux de la cellule familiale avec le père (Laurent d’Olce), son épouse (Marie-Céline Tuvache), la demi-soeur (Elisabeth Ventura), la mère du jeune homme (Anne Coutureau) et bien évidemment celui-ci (Romain Dutheil).
Cela étant, il a réuni une distribution de comédiens aguerris et investis qui réussissent pleinement l'exercice et l'indispensable rappel de vigilance en ces temps troublés. |