Planète des songes
(BAZ / Balandra / L'Autre Distribution) octobre 2015
Weepers Circus sonne comme une piste colorée où l’angoisse du public réside dans les dégoulinis de la triste âme souriante, coincée entre deux tigres et un lion affamés (et un python-futur-sac-à-main autour du cou, voire la tête dans une gueule pleine de dents). Oui, ils sont peut-être dressés, obéissants et serviles, n’empêche que leur nature n’est pas de faire des ronds de jambe. Méditons cela avec Planète des songes, jolie tournure pour le neuvième album des compères.
Je vous invite à consulter notre célèbre ami commun pour une biographie plus détaillée, mais sachez tout de même que les zazous se sont penchés sur pas mal de publics, et n’en ont pas moins méprisés le domaine des chansons pour enfants à travers des livres-disques (avec Tomi Ungerer et Gallimard Jeunesse) quand même. Et il y a les tournées, les enregistrements, les tournées et les rencontres, et l’inspiration qui fait pousser les albums comme les dents dans les mâchoires juvéniles.
Weepers Circus respire de joie et de dandinements décomplexés. A grands souffles de saxophones, violoncelles et ondulations tribales, les cinq comparses nous emmènent dans une jungle humaine peuplée d’amour et de petites gens pas forcément recommandables. Des refrains joyeux et entraînants "hououou, on s’envoollee….ziouiouiou on s’envole" ("On s’envole"), des grincements de cordes de la flamme, les échos des guitares de "Syd", les souffles érotiques des duos avec Olivia Ruiz et Léopoldine HH… Il y en a pour chaque matin, du pied gauche ou des matins chantants.
Ils chantent en français, et la voix dominante est le timbre des raconteurs d’histoires, avec leur façon si particulière de caresser les lobes et de grogner doucement pour séduire en passant par les ondes. "Nous avons toute la nuit exactement pour vieillir sans grandir, précisément, Depuis quand suis-je tombée précisément dans ton cœur exactement ?" ("De l’amour exactement").
L’amour, courir nu dans les grands espaces (chauds), manger des glaces, ne pas s’en faire et rigoler. Ils ne sont pas les premiers à conter fleurette en rythme à la houppette frappée sur nuage de fromage fondu sur croustillants lardons, mais ça reste chaud et doux à entendre.
Les cendres d’un cœur brisé volètent au gré d’un dernier souffle dans "Au revoir" : "chaque mot dans sa bouche touche, me touche, chaque mot dans sa bouche résonne en moi, elle me fuit me repousse, douce, si douce, du bout des doigts", sur la pointe des violons qui consolent comme ils peuvent la tristesse du jamais-plus.
L’important est d’avancer : "J’avance doucement masqué lentement contre la houle par tous les temps parmi la foule, à contretemps en contre champ, j’avance dans mes pensées, dans mon destin, en liberté" ("J’avance")¸ attiser la petite lumière qui pointe là dans le coin et espérer, encore, "La flamme" : "je veux croire encore et toujours que la force qui est la mienne me portera quoiqu’il advienne".
C’est sans arme, ni haine ni violence que Weepers Circus chante les ratées, les déceptions et l’espoir qui renaîtra au son des outils bardés de cordes et de peaux qu’il suffit de caresser et de murmurer autour pour les enflammer. Parce que si les cordes frottées consolent ou câlinent, merci aux trompettes et aux trucs à pouet pour nous trémousser de bas en haut.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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