Comédies de Marivaux mises en scène par Philippe Uchan, avec Charline Ben Larbi, Marie Bourlet-Clément, César Duminil, Clément Lhuaire, Manoulia Jeanne, William Lotiaux, Ugo Pacitto et Joséphine Thoby.
Doublé judicieux et réussi pour Philippe Uchan qui met en scène des élèves de la promotion sortante de Ateliers du Sudden, au sein duquel il enseigne, dans deux comédies en un acte de Marivaux.
Judicieux parce que la présentation en diptyque n'est pas artifice car réunissant deux comédies contemporaines d'écriture et irriguées d'une lucidité amère, "L'Epreuve" et "Les Sincères", qui traitent en miroir d'une même thématique, celle du sentiment amoureux articulé autour d'une qualité, la sincérité, vertu du coeur mise à mal tant par les susceptibilités égotistes que par l'hypocrisie sociale. Réussi parce qu'il révèle, et ce avec des partitions marivaudiennes réputées pour leur complexité d'interprétation, des talents émergents avec de jeunes comédiens qui, et cela doit être souligné, démontrent déjà une maîtrise des techniques de leur métier, de la respiration à l'élocution ce qui n'est pas rien au regard de nombre de leurs homologues issus de conservatoire surcotés, à laquelle ils ajoutent tempérament et sensibilité.
Dans "L'épreuve", au sein d'un microcosme provincial régi par un souci commun à toutes les classes sociales, l'argent, du fermier (Ugo Pacitto) au notable en passant par la mère de la jeune fille à marier (Marie Bourlet-Clément) et les servantes et valets (Charline Ben Larbi et William Lotiaux), Lucidor (César Duminil) tombe amoureux de Angélique (Manoulia Jeanne).
Un amour sincère et partagé qui est compromis par la crainte induite par la différence de classe. Car elle est fille d'une bourgeoise de campagne et lui, fils d'un riche négociant parisien, craint d'être la victime d'une aventurière. Aussi, en quête de preuve de sa bonne foi, décide-t-il de la soumettre, à une épreuve, celle du mariage avec de faux prétendants, laissant les deux amoureux dépités.
La seconde partition située dans un cadre mondain guère dans lequel sévissent tant le jeu social que les assauts de la vanité, de l'orgueil et de l'amour-propre et présentant deux déclinaisons de la sincérité instrumentalisée, bat en brèche le dicton "Qui se ressemble ne s'assemble".
Rompant leur engagement avec leurs amants (Ugo Pacitto et Marie Bourlet-Clément), Ergaste (William Lotiaux) et de la Marquise (Joséphine Thoby), deux vaniteux qui se piquent de sincérité alors qu'ils usent d'une hypocrisie consciente pour satisfaire leur narcissisme, et qui, l'un avec sa volonté de se démarquer de ses semblables, l'autre par sa coquetterie, ne sont pas lien de parenté avec Alceste et Célimène, envisagent une union qui va capoter sous l'action intéressée de leurs valets (Charline Ben Larbi et Clément Lhuaire) mus par des intérêts personnels qui dévoilent les imposteurs.
La recontextualisation dans les Années Folles résultant des costumes n'entraîne ni dénaturation du texte ni inserts d'anachronismes et sied particulièrement aux "Sincères" dont l'éloquente rhétorique de la séduction entre en résonance avec la pétillante lucidité amoureuse des pièces de Sacha Guitry.
La mise en scène aussi fluide que rigoureuse de Philippe Uchan ne permet aucun faux pas et l'interprétation moderne, sans affectation, et émérite résultant d'une distribution pertinente en termes d'emploi, s'avère au cordeau tout en bénéficiant d'une fraîcheur roborative.
Mention spéciale à Charline Ben Larbi qui cumule efficacement les rôles ancillaires tout en ayant le potentiel pour ne pas être cantonnées à ceux-ci, César Duminil, pour l'acuité de son jeu dans le rôle polymorphe de l'amant timoré qui est également un bourgeois pécunieux et un mélancolique capable des pires turpitudes, et aux belles découvertes, Manoulia Jeanne, la blonde, et Joséphine Thoby, la brune, qui se distinguent dans les emplois du répertoire particulièrement délicats que sont l'ingénue et la coquette. |