Solo performatif conçu et mis en scène par Jan Fabre et Antony Rizzi et interprété par Antony Rizzi.
Sur scène un petit bonhomme barbu et lunetté qui porte un chapeau blanc en forme de pain de sucre qui évoque le chapeau des derviches tourneurs.
Et c'est d'ailleurs à une transe profane qu'il va se livrer, lutin hybridé de Speedy Gonzales qui jamais ne s'arrête, soumis à un impératif mouvement perpétuel pour fuir, prendre de court et déconcerter la faucheuse.
Car bien qu'invisible, elle s'est installée à demeure et attend patiemment. Alors faire la nique à la mort, c'est aussi brûler sa vie, le reste de vie que sont les incertains jours comptés, en forme de course contre la montre et de pas de deux sans partenaire.
Jan Fabre, plasticien, chorégraphe et metteur en scène flamand, et son interprète et collaborateur, Antony Rizzi, danseur et chorégraphe américain qui a travaillé au sein du Ballet de Boston puis du Ballet de Francfort, ont conçu un solo performatif biofictionnel autour de sa séropositivité de ce dernier et ressortant au registre du théâtre dansé.
Conçue avec la collaboration de Miet Martens pour la dramaturgie et Dimitri Brusselmans pour la musique, la partition "Drugs kept me alive (Les drogues - licites ou non - m'ont maintenu en vie)" est centrée sur une citation du philosophe humaniste Erasme, livrée en épilogue, reprenant le proverbe latin sur l’"Homo bulla", l'homme vulnérable comme une bulle de savon, celle-ci inspirant également la scénographie.
Dans un pré-carré de reclus délimité par une rangée de fioles et bouteilles, se déroule une immersion monomaniaque dans la pharmacopée scandée par une question-leitmotiv - "Suis-je malade?" - traduisant l'incrédulité face à la maladie grave voire incurable, et des spots publicitaires sur les savons et lessives détournés de manière tragi-comiques.
Elle retrace le parcours du malade-combattant entré en résistance, ses délires et échappées imaginaires ou fantasmées, qui, avant la promesse incertaine du paradis céleste, se lance dans une quête insatiable des paradis artificiels pour atteindre l'extase tragique qui sublime le quotidien, lutter dans son corps devenu le creuset implosif de combinaisons anarchiques entre médicaments et drogues pour une danse macabre célébrant la vie et surtout l'amour du sexe.
Antony Rizzi dispense une performance accomplie, magistrale et "stupéfiante", placée sous le signe de l'humour, une pointe d'autodérision et une époustouflante énergie vitale pour une roborative approche de la fragilité et l'éphéméréité de la condition humaine mais également de son corollaire, sa beauté incompatible avec l'immortalité. |